Les reliques sacrées d'Hitler
expliqua alors quâil le laisserait passer la nuit à lâhôtel et quâil prendrait lui-même le volant de la jeep jusquâà sa prochaine destination. Mais Dollar nâétait pas enthousiaste à lâidée de lui donner les clés sans la moindre explication.
« Câest juste pour la nuit, lui dit Horn. Je viens te chercher demain matin. »
Comme Horn le décrirait ultérieurement, Dollar refusa de lui donner les clés de la jeep. Le véhicule était capricieux. Jusque-là , il avait parfaitement rempli son office, mais on ne pouvait pas savoir ce qui se produirait si câétait le lieutenant, et non Dollar, qui se trouvait au volant.
Mais Horn se montra inflexible : il nâétait pas question dâimpliquer son chauffeur dans la prochaine étape de son voyage. Pour le convaincre, le lieutenant énuméra les délits quâil avait lâintention de commettre au cours des vingt-quatre prochaines heures. Il allait passer en territoire soviétique sans la moindre autorisation ni de la part des Américains ni des Soviétiques. Techniquement, il aurait aussi volé la jeep, puisquâil nâavait pas été autorisé à la conduire en territoire étranger. Quant à la cantine pleine de produits de contrebande provenant du marché noir enchaînée à la roue de secours de la jeep, elle constituait également une infraction au règlement militaire, sans oublier la fraternisation avec des citoyens allemands.
Le lieutenant continua à citer dâautres infractions mineures avant de révéler le délit le plus grave susceptible de le mener dans un camp de travail soviétique, ou lui valoir au moins la cour martiale. « Jâai lâintention de passer en zone soviétique, de retrouver ma mère et ma demi-sÅur et de me débrouiller pour les amener à Heidelberg, en zone occupée par les Américains.
â Câest tout ? » remarqua Dollar, hilare.
Il sortit les clés de la jeep de sa poche et les agita sous le nez de Horn. Il allait lâaccompagner en tant que chauffeur, que cela plaise au lieutenant ou non.
23
Le pari faustien
7-8 août 1945
L es appareils photo Leica étaient les objets de luxe les plus convoités encore produits dans lâAllemagne dâaprès-guerre. Le boîtier de lâappareil était fabriqué en zone américaine, les objectifs en zone soviétique et les obturateurs en zone française. Le défi pour les fabricants était de contourner les règlements draconiens qui empêchaient que les différentes parties soient expédiées dâune zone dâoccupation à lâautre. Il était pratiquement impossible de les faire passer dâune zone à lâautre. Ce qui nâempêchait pas les appareils Leica dâêtre produits par milliers et vendus au marché noir de Berlin à Munich.
Horn allait essayer de pénétrer en zone soviétique de la même façon que les chauffeurs routiers franchissaient les frontières : au moyen dâun pot-de-vin. Pour augmenter ses chances, il choisit un poste suffisamment à lâécart pour éviter dâattirer trop lâattention, traverser quand il y aurait moins de circulation, et donner aux gardes un bakchich convenable, mais pas pour autant exorbitant. Offrir trop peu impliquerait une négociation avec un retard à la clé. Trop jetterait le doute sur le motif de sa visite.
Après avoir étudié la carte, Horn choisit une frontière assez isolée juste à lâouest dâIéna, un bourg agricole sans installations militaires ni industrielles majeures. Des fermiers transportant du fromage naviguaient sur ses chemins de terre, pas des convois de soldats. Les denrées contenues dans sa cantine étaient plus précieuses que de lâargent liquide, les rationner était une décision difficile à prendre.
Dâaprès Horn, pénétrer en zone soviétique avec son chauffeur devrait coûter beaucoup moins cher que de quitter la zone avec deux passagères supplémentaires â sa mère, Mathilde, et sa demi-sÅur, Friedl. Deux bouteilles de whiskey, quelques grosses boîtes de sardines et un assortiment de bas nylon feraient lâaffaire. Il mit le tout dans un sac
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