Les reliques sacrées d'Hitler
séparation.
Sa relation avec Rudolf avait toujours été difficile, une rivalité à la Jacob et Isaïe plus quâune fraternité affectueuse. Au cours de leur enfance, ils se défoulaient à coups de poing ou à force dâinsultes mais, avec lââge, leurs chemins ayant divergé, les non-dits et les actes manqués avaient fini par lâemporter sur tout le reste.
Leurs différends ne risqueraient pas de se résoudre ce matin-là . Après des années passées à gagner lâaffection de leur mère et de leur père, à multiplier les lauriers académiques et sportifs, Rudolf était maintenant affligé dâune lourde tare. Membre du parti nazi, il avait perdu son poste de professeur à lâuniversité, ainsi que toute possibilité de trouver un travail dans un futur proche. En tant quâAllemand, il devait supporter en plus la honte et lâhumiliation dâavoir pris part à une guerre qui avait dévasté le pays et causé épreuves, famines et mort à des femmes et des enfants sans défense. Walter, en revanche, était revenu à la maison en héros victorieux, le sauveur de leur mère, la femme qui comptait le plus dans leur vie.
Horn aurait voulu embrasser son frère. Ou se battre avec lui. Nâimporte quoi pour effacer le soupçon obsédant que Rudolf ait aidé activement et soutenu le corps dâérudits soldats dâHimmler. Son frère nâavait-il pas passé un marché faustien ?
Lâuniversité de Heidelberg, leur alma mater où Rudolf avait été professeur titulaire, avait été la première université dâAllemagne à expulser tous ses professeurs et ses étudiants juifs. Son frère était à lâintérieur de la faculté quand les Jeunesses hitlériennes avaient envahi le gymnase de lâuniversité, quand des livres avaient été brûlés devant la bibliothèque et quand une bande de terroristes nazis avait mis le feu à deux synagogues de la ville.
àquel point avait-il compromis son intégrité et trahi la confiance de ses étudiants ? Avait-il fait le moindre geste pour tenter dâempêcher ses étudiants juifs dâêtre déportés vers les camps de concentration ? Pendant combien de temps et dans quelles circonstances avait-il poursuivi ses recherches à Externsteine ? Avait-il remplacé la bible luthérienne de son père et de son grand-père par celle que les nazis utilisaient pour promouvoir le Jésus aryen ?
Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête, mais, avant quâil puisse les poser, sa plus jeune sÅur Elsbeth entra dans la salle à manger.
Jeune femme brillante et gaie, ayant hérité de la beauté de leur mère et de lâoptimisme de leur père, câétait elle qui avait le plus de raisons de se lamenter sur la tragédie de la guerre et la façon dont celle-ci avait divisé la famille. Son mari, Erich Maschke, lâancien président de lâuniversité de Leipzig, avait été envoyé dans un camp de travail soviétique dans les montagnes de lâOural. Elle nâavait aucune nouvelle de lui depuis plus de quatre mois.
La famille, au complet à présent sauf Friedl, passa le reste de la journée à se remémorer les beaux jours dâautrefois, quand, adolescents, ils pensaient être plus malins que leur père en allant subrepticement retrouver des copains dans une des nombreuses brasseries de Heidelberg, alors quâils pouvaient être certains de rencontrer un paroissien et dâen subir les conséquences à leur retour à la maison. Il y avait aussi les nombreuses excursions aux ruines romaines dans les environs de Heidelberg où leur père, spécialiste de Tacite, les enchantait avec des histoires qui furent déterminantes pour leurs futures carrières universitaires. Les activités de Horn en matière de renseignements, sa promotion à la MFAA et lâaffaire des joyaux de la Couronne ne furent jamais abordées. Il fallut quâElsbeth lui rappelle quelque chose quâil avait complètement oublié pour que lâombre des nazis et de la guerre survienne dans la conversation : câétait le jour où il avait fait irruption dans le bureau familial pendant que son père
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