Les révoltés de Dieu
« des paquets d’existants » jetés au
hasard sur la Terre, disait Jean-Paul Sartre. En tant que farouche agnostique, refusant
toute référence aux « Idées pures » de Platon, il prétendait que
seule l’existence conduisait à une « essence ». Il n’avait peut-être
pas tort dans la mesure où la définition de l’ humain ,
si l’on se réfère à la Genèse, passe par le fameux repos du septième jour où
Yahvé-Adonaï se retire de la Création et
devient donc, comme le disaient les Romains, un deus
otiosus qui laisse la créature continuer le monde dont il lui a donné la
maîtrise. Partager cette opinion, c’est nier un « Dieu Providence »
qui est pourtant une notion essentielle du christianisme. Mais c’est aussi
refuser de reconnaître une intervention divine à l’origine des phénomènes
naturels, aussi bien à propos du déluge que de la traversée de la mer Rouge par
les Hébreux fuyant les troupes du Pharaon. Alors, quelles réponses donner à
toutes les questions qui se posent ?
La méthode dite comparatiste comporte bien des dangers, car
elle peut ouvrir la voie à tous les délires d’une imagination exacerbée. De
toute façon, les faits, comme les individus, sont uniques. Les relier entre eux
arbitrairement constitue un jeu dangereux, puisqu’il s’agit d’un puzzle dans lequel bien souvent les pièces mélangées
sont informes. Mais que faire d’autre pour essayer de comprendre, sinon se
lancer hardiment dans cette aventure ? Car toute projection de l’esprit
dans les ténèbres du mystère débouche fatalement sur une parcelle de lumière.
Enquêtes
1 -
La révolte des anges
La croyance en l’existence d’une multitude d’entités invisibles
intermédiaires entre les dieux et les hommes est présente dans toutes les
traditions, qu’elles soient orales ou écrites. Ces entités auxquelles on donne
des noms, qui sont autant de symboles, sont parfois bienfaisantes, aidant et
conseillant les humains, leur délivrant le message divin, mais parfois
maléfiques, s’acharnant à détruire l’harmonie du monde et à entraîner les existants dans les pires vicissitudes. C’est ainsi
que, dans de nombreux récits mythologiques, il sera question de « génies »
ou simplement d’ esprits très indéterminés, comme
les numina romains, tandis que, dans la
tradition judéo-chrétienne (comme dans la religion musulmane qui, à l’origine, en
découle), on admet la présence subtile à travers l’univers d’entités bonnes, les
anges, et d’entités mauvaises, les démons. Cette terminologie est pour le moins
confuse et mérite quelques éclaircissements.
Étymologiquement, le mot « ange » provient du grec aggelos (devenu en latin angelus , mais probablement issu d’un terme sémitique la’ak ) et signifie « messager », « envoyé ».
L’ange est considéré comme porteur de la parole divine et protecteur des
humains. C’est ce qui apparaît nettement dans le Livre de Tobie [4] ou dans le Nouveau Testament lorsque Jésus, après avoir été tenté par l’ennemi
au désert, est servi par les anges. Mais le mot « démon », qui
provient du grec daïmôn , n’avait pas à l’origine
un sens péjoratif : il désignait simplement une entité spirituelle
indépendante des dieux et, comme le démontre le célèbre « démon de Socrate »,
une sorte d’initiateur et d’inspirateur analogue à l’ange judéo-chrétien. Ce n’est
que beaucoup plus tard, au moment de la christianisation du monde occidental, que
le terme a fini par désigner exclusivement un « mauvais esprit », ou
plutôt un « esprit du mal » sans doute par contamination avec les
traditions assyro-babyloniennes ou iraniennes qui représentent généralement les
démons comme des monstres horribles et répugnants, en tout cas dangereux.
Les génies et les esprits appartiennent à une terminologie encore
plus vague, et l’on a toujours eu tendance à les confondre. Quelle différence, en
effet, entre le « génie de la forêt », souvent mis en scène dans les
contes populaires, et un « esprit de la forêt » qui n’est qu’une
tentative d’explication de la force végétale haussée au rang de puissance
surnaturelle ? La mythologie des Grecs et des Romains est peuplée de
« sylvains », de « sylphides », de « nymphes », de
« tritons » et autres « néréides », sans parler des
fameuses « sirènes » qui ne sont pas, contrairement à ce qu’on
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