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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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interprétée comme un « sevrage » ? Même si Adam n’a pas
connu de mère matérielle, il doit la créer pour lui-même en image. Et, à ce
moment-là, la nature humaine étant ce qu’elle est, Lilith « est pour Adam
un premier objet d’amour dont il ne doit pas se souvenir, qui lui a révélé son
sexe [37]  ».
    Ainsi donc, Adam ne doit pas se souvenir de sa mère – ou de
sa première femme. Elle en est réduite à l’état de fantôme, ce qui suppose qu’elle
peut parfois revenir le hanter, ce qui se produira peut-être lors de la
tentation auprès de l’arbre de la Connaissance. Et à l’état de fantôme ou d’oiseau
de nuit survolant furtivement la terre, ce qui est équivalent, elle est
invisible, subtilement absente, et pourtant toujours présente. Des commentaires
rabbiniques du Moyen Âge et du XVII e  siècle,
surtout en Allemagne et en Europe de l’Est, font état d’une croyance persistante
dans les milieux juifs. Chaque fois qu’un homme doit avoir des rapports avec sa
femme, il faut qu’au préalable, il accomplisse un rite d’exorcisme pour
éloigner Lilith. Car celle-ci rôde en permanence près de l’homme et de la femme
qui s’accouplent afin de guetter la semence masculine, s’en emparer, l’engloutir
et donner ainsi naissance à un nouveau démon. Cette croyance, encore commune dans
les temps modernes, remonte très loin et justifie pleinement l’interdiction
majeure qui a été faite aux juifs – et ensuite aux chrétiens de tous bords – de
déverser la semence masculine hors du « vase naturel ». Il s’agit
donc de la condamnation expresse de la masturbation et de l’ onanisme , ces deux pratiques étant fort différentes
à l’origine.
    En effet, la masturbation est un acte solitaire tandis que l’ onanisme est un terme dérivé du nom d’Onan, personnage
biblique qui, ayant perdu son frère aîné, devait, selon la coutume du lévirat, épouser
sa veuve. Ce qu’il fit, mais sachant que les enfants qu’il pourrait avoir de la
veuve seraient considérés comme ceux de son frère, il ne voulut pas accepter
cet état de fait et s’arrangea pour pratiquer ce qu’on appelle le coïtus interruptus . Et le récit biblique raconte qu’Onan
fut foudroyé par Yahvé pour s’être ainsi rendu responsable d’une double transgression
( Gen. XXXVIII, 7-10 ). Il faut alors
reconnaître que cette croyance, selon laquelle Lilith engloutit le sperme pour
donner naissance à des démons, est à l’origine d’une autre croyance, très
répandue au Moyen Âge, celle des succubes, ces entités démoniaques femelles, capables
de s’incarner, de provoquer les mâles, de s’accoupler avec eux, généralement
pendant la nuit, et de recevoir le produit de leur luxure [38] .
D’où la méfiance généralisée au cours des siècles envers la femme, considérée comme
tentatrice et maléfique, et sa « diabolisation » dans toutes les
traditions inspirées du judéo-christianisme. Et bien entendu, la Lilith
hébraïque, répercutée au Moyen Âge dans le personnage de Mélusine, est devenue
l’ancêtre et le prototype même du succube.
    Sous cet angle, il est absolument logique que Lilith, s’étant
révoltée contre Dieu (et contre la loi « paternaliste » imposée par
Yahvé), et détentrice d’un pouvoir suprême lui permettant de lui résister (la
connaissance du nom ineffable de Dieu), ait été abandonnée par le démiurge et
livrée à Satan-Sammaël, l’archange révolté. Qui se ressemble s’assemble, dit-on
couramment. On pourrait ajouter que le démiurge, Yahvé en l’occurrence, a
assemblé ce qui était non pas semblable, mais de même nature, ou plutôt de même
essence : des révoltés.
    Était-ce pour s’en débarrasser ? Le créateur ne peut néantiser l’une de ses créatures sans se néantiser lui-même. Lilith et Sammaël sont mis à l’écart,
occultés, « refoulés » comme disent les psychanalystes. Mais ces
derniers ont mis en évidence que le « refoulé » est terriblement
agissant et explique beaucoup d’actions humaines en apparence incompréhensibles.
La révolte de Lilith n’en est pas pour autant terminée. D’après un passage du Zohar ( Haddash , section Ytro ), elle participe à la perdition d’Adam
auquel Yahvé a donné comme deuxième épouse Ève, née de la côte de celui-ci – c’est-à-dire
« émanation d’Adam », image châtrée d’Adam – et qui n’est qu’un pâle
reflet de l’ existant

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