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Les révoltés de Dieu

Les révoltés de Dieu

Titel: Les révoltés de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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récoltes
agricoles, est devenu peu à peu un dieu guerrier agressif. Il a dû en être de
même chez les Atlantes, soucieux dans un premier temps de conserver la
prospérité acquise par leur travail et conscients d’appartenir à une lignée
divine, puis, après avoir réussi à préserver leur civilisation, saisis par le « démon »
de l’ambition et de la toute-puissance. C’est effectivement ce que nous
rappelle Rabelais dans le trente-troisième chapitre de Gargantua .
    De quoi s’agit-il ? D’une banale querelle entre « fouaciers ».
Mais cela suffit pour développer l’agressivité et l’ambition. Le roi Picrochole,
voisin et rival de Grandgousier, père de Gargantua, sous prétexte que ses
« fouaciers » ont été malmenés par les sujets de Grandgousier, leur
déclare la guerre. Mais, au cours d’une assemblée de conseillers où chacun s’excite
et se laisse aller à sa mégalomanie galopante, Picrochole (dont le nom, d’origine
grecque, signifie « d’humeur acide ») en vient à se donner pour but d’envahir
la terre entière et d’y imposer sa loi. C’est alors qu’en plein conseil
intervient à contre-courant un vieux gentilhomme éprouvé en divers hasards, et
vieux routier de guerre, nommé Échephron. Et ce qu’il ose dire devant tout le
monde est du plus haut intérêt, car son nom signifie littéralement, toujours en
grec, « celui qui apporte le non-sens ».
    Voici ses paroles : « J’ai grand peur que toute
cette entreprise sera semblable à la farce du pot au lait, duquel un cordonnier
se faisait riche par rêverie ; puis, le pot cassé, n’eut de quoi dîner. Que
prétendez-vous par ces belles conquêtes ? Quelle sera la fin de tant de
travaux et traverses ? » Picrochole lui rétorque que, grâce à cette
action, « nous retournés, nous reposerons à nos aises ». Mais
Échephron persiste dans sa critique dubitative : « Et si par cas
jamais n’en revenez ? Car le voyage est long et périlleux. N’est-ce pas
mieux que maintenant nous reposions, sans nous mettre en ces hasards ? »
    Apparemment, l’anecdote rapportée par Rabelais est dans la
droite lignée du carpe diem des Épicuriens :
« Cueillez le jour », autrement dit « profitez de l’instant
présent ». Mais ce n’est pas tout à fait cela, car si l’on analyse en
détail cette motion de présent , on s’aperçoit
que le présent n’existe pas : il n’est
que la transition impossible à saisir entre un passé récent et un futur proche,
une frontière qui ne peut obéir à aucune règle. Si l’on prend conscience du présent,
c’est qu’il est déjà du passé ou du futur immédiat. C’est pourquoi, dans
certaines langues, comme le gallois, langage philosophique par excellence, le
temps présent n’est jamais employé mais remplacé par le futur. Tout cela
débouche cependant sur une certitude : tout est
avenir , y compris Dieu. Mais ce dieu – quel qu’il soit – a tracé un plan,
lui qui est omniscient et omnipotent. Malheur à ceux qui se dressent en travers
de ce qu’il a prévu ! C’est le sens qu’il convient d’attribuer à cette
révolte des Atlantes, telle qu’elle est relatée par Platon dans le Critias et dans le Timée .
    Tout se passe comme si Platon considérait Dieu – ou le démiurge
– comme le « Grand Architecte de l’Univers » si cher aux
francs-maçons, ou comme le « Grand Horloger » des déistes. Ce n’est
ni plus ni moins que la conception antique indienne où Mitra joue le rôle d’un
régulateur de l’univers. Tout ce qui est contraire à ce plan est condamné par
la divinité, d’où cette abondance, relevée dans de nombreux mythes, de châtiments
infligés aux humains en conséquence de leurs déviances. Et, bien entendu, cela
ne peut se traduire que sur un plan matériel car l’ existant humain est limité dans ses perceptions du visible et de l’invisible. Si le
monde existe, c’est parce qu’il est relatif, qu’il est le commun dénominateur
entre ce qui est réel (au point de vue matériel) et ce qui ne l’est pas (au
point de vue spirituel). La nature n’est pas inépuisable, comme on le croyait
au XIX e   siècle, mais elle est capable de
réagir à l’action des humains. Elle se venge parfois cruellement des
empiétements, des mépris et des abus des existants .
Voilà pourquoi l’île Atlantide, révoltée contre le plan divin, a été engloutie « en
un seul jour et une seule nuit ».

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