Les Seigneurs du Nord
en fut ravi.
Le deuxième homme était un couard qui aurait
bien voulu se rendre. Il jeta son épée et s’agenouilla en tremblant, clamant qu’il
se rendait, mais j’avais autre chose en tête.
— Tue-le ! ordonnai-je à Rypere, qui
lui assena un coup de taille avec un sourire carnassier.
Nous prîmes les douze chevaux et laissâmes les
cadavres aux bêtes après les avoir dépouillés de leurs armes et armures. Avant
de partir, j’ordonnai à Clapa de les décapiter.
— Leur couper la tête, seigneur ? me
demanda-t-il avec un regard bovin.
— Coupe-les, Clapa, et voici pour toi, dis-je
en lui donnant deux des bracelets d’argent de Tekil.
— Ils sont pour moi, seigneur ? demanda-t-il
en contemplant des merveilles qu’il voyait pour la première fois.
— Tu nous as sauvé la vie, Clapa.
— C’est Rypere qui nous a amenés, avoua-t-il.
Il a dit qu’il ne fallait pas laisser le roi seul et qu’il fallait te suivre
car tu étais parti.
Je donnai donc à Rypere les deux autres
bracelets, puis Clapa décapita les cadavres et apprit combien il est dur de
trancher un cou. Cela fait, nous rapportâmes les têtes à Cair Ligualid ; là,
je fis retirer de la rivière et décapiter les deux premiers cadavres.
L’abbé Eadred voulait que l’on pende les
quatre prisonniers restants, mais je le convainquis de me donner Tekil, au
moins pour une nuit, puis je me le fis amener dans les ruines d’un ancien
bâtiment qui devait dater des Romains. Les hauts murs étaient revêtus de pierre
et percés de trois grandes fenêtres. Il n’y avait plus de toit. Le sol défoncé
était dallé de petits pavés noirs et blancs qui avaient autrefois formé un
motif. Je fis un feu dont les flammes illuminèrent les parois. Une faible
lumière filtrait par les fenêtres lorsque les nuages dévoilaient la lune. Rypere
et Clapa m’amenèrent Tekil et voulurent rester pour voir ce que je lui ferais, mais
je les congédiai.
Tekil, dépouillé de son armure, ne portait
plus qu’un justaucorps crasseux. Son visage était couvert de bleus et il
portait à ses poignets et chevilles les entraves qu’il me destinait. Je m’assis
devant le feu face à lui, il se contenta de me fixer. Il avait une bonne et
solide tête, et je songeai que je l’aurais apprécié si nous avions été
camarades et non ennemis. Il sembla amusé que je l’examine ainsi.
— Tu étais le guerrier mort, dit-il au
bout d’un moment.
— Vraiment ?
— Je sais que le guerrier mort portait un
casque couronné d’un loup d’argent et je t’ai vu coiffé de ce même casque. À
moins qu’il ne te l’ait prêté ?
— Peut-être.
— Le guerrier mort a failli faire mourir
de peur Kjartan et son fils, sourit-il. C’est ce que tu cherchais, n’est-ce pas ?
— C’est ce que le guerrier voulait.
— À présent, tu as coupé la tête de
quatre de mes hommes et tu vas les lui faire porter, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Parce que tu veux lui faire plus peur
encore ?
— Oui.
— Mais il doit y avoir huit têtes, dit-il.
Non ?
— Si.
Il grimaça, puis il s’adossa au mur et leva
les yeux vers le ciel. Des chiens hurlèrent dans les ruines.
— Kjartan aime les chiens, poursuivit-il.
Il en a toute une meute. De méchantes bêtes. Il les fait combattre et ne garde
que les plus forts. Il les loge dans un château de Dunholm et s’en sert pour
deux choses. (Il se tut et me jeta un regard interrogateur.) C’est ce que tu
veux, n’est-ce pas ? Que je te parle de Dunholm, de ses faiblesses, de ses
forces… que je te dise combien d’hommes l’occupent et comment briser ses murs ?
— Tout cela, et plus encore.
— Parce que tu veux lui faire payer le
prix du sang ? Tu veux la vie de Kjartan en paiement de la mort du comte
Ragnar ?
— Le comte Ragnar m’a élevé et je l’aimais
tel un père.
— Et son fils ?
— Il est retenu en otage par Alfred.
— Alors tu accompliras le devoir d’un
fils ? (Il haussa les épaules comme si ma réponse était évidente.) Tu
auras du mal, et plus encore si tu dois combattre les chiens de Kjartan. Ils vivent comme des seigneurs dans leur
propre demeure, et c’est sous ce sol que Kjartan a enterré son trésor. Argent
et or en abondance. Un trésor qu’il ne regarde jamais, mais qui est là, enfoui
dans la terre sous les chiens.
— Qui le garde ?
— C’est l’une de leurs tâches. L’autre
est de tuer les gens. C’est ainsi qu’il te tuera.
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