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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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peaux de moutons. Nous remontâmes plein nord
jusqu’aux terres des Danes et des Sviars, où il vendit sa marchandise. Les
lames franques étaient fort prisées, les bûches d’if faisaient de bons socs de
charrue, et avec l’argent gagné Sverri remplit sa cale de minerai de fer que
nous rapportâmes dans le Sud.
    Sverri s’y connaissait pour diriger ses
esclaves et plus encore pour gagner de l’argent. Les pièces tombaient en
quantité dans un gros coffre de bois logé dans la cale.
    — Vous aimeriez bien mettre la main
dessus, hein ? ricana-t-il un jour alors que nous remontions le long d’une
côte inconnue. Misérables étrons ! Vous croyez pouvoir me duper ? Je
vous tuerais avant. Je vous noierais. Je vous enfoncerais de la merde de phoque
dans la gorge à vous en étouffer.
    Nous le laissâmes délirer sans protester.
    L’hiver arrivait. J’ignorais où nous étions – quelque
part dans le Nord aux environs du Danemark. Après avoir livré notre dernier
chargement, nous avions continué à vide le long d’une côte sablonneuse et
désolée, puis Sverri avait dirigé le navire dans un bras de mer bordé de
roseaux et l’avait échoué sur la vase. Il n’y avait là qu’une longue maison
basse au toit de joncs couverts de mousse, d’où s’échappait un ruban de fumée. Des
mouettes criaillaient. Une femme sortit de la maison et courut en poussant des
cris de joie quand elle vit Sverri sauter du bateau. Il la prit dans ses bras
et la fit tournoyer tandis que trois enfants venaient les rejoindre. Il donna à
chacun une poignée d’argent et les fit sauter dans les airs.
    C’était d’évidence là que Sverri comptait hiverner.
Il nous fit vider le ballast de pierre de La Marchande, plier la voile, ôter
mât et gréement ; puis nous la remontâmes sur des rondins en haut de la
grève à l’abri des marées. Le navire était lourd et Sverri appela un voisin de
l’autre côté du marais qui vint aider avec une paire de bœufs. Son aîné, âgé de
dix ans, s’amusa à nous piquer avec l’aiguillon. Derrière la maison se trouvait
une cabane pour les esclaves, faite de rondins, des murs au toit, où nous
dormions entravés. Le jour, nous nettoyions le navire et grattions la coque. Nous
étalâmes la voile pour la laver sous la pluie et regardâmes avidement la femme
de Sverri la ravauder avec une aiguille d’os et du boyau de chat. C’était une
femme ronde, courte sur pattes, avec de grosses cuisses et le visage marqué de
petite vérole. Ses mains et ses bras étaient rouges et à vif. Elle était tout
sauf belle, mais nous étions si privés de femmes que nous la dévorions du
regard. Cela amusait Sverri. Une fois, il troussa son bliaut pour nous montrer
son ample giron tout blanc et éclata de rire en voyant nos yeux écarquillés. Je
pensais à Gisela et je tentais d’évoquer son visage dans mes songes.
    Les hommes de Sverri nous nourrissaient de
soupe d’anguille et de gruau, de pain bis et de ragoût de poisson. Quand la
neige vint, ils nous donnèrent des peaux de moutons crottées de boue, et nous
nous blottîmes dans la cabane en écoutant le vent siffler entre les rondins. Il
était si âpre et si froid que l’un des Saxons fut pris de fièvres et mourut
cinq jours plus tard. Deux des hommes de Sverri allèrent le jeter dans le bras
de mer, au-delà de la glace, et son corps fut emporté par la marée. Il y avait
des forêts non loin de là, et régulièrement on nous y emmenait couper du bois
avec des haches. Nos entraves étaient très étroites, pour nous empêcher de
faire de grands pas, et quand nous avions les haches on nous surveillait avec
des lances et des arcs. Je savais que je serais tué avant d’avoir le temps de
frapper l’un des gardes, mais j’étais tenté d’essayer. L’un des Danes me
devança : il se retourna en hurlant et trotta gauchement mais reçut une
flèche en plein ventre, et les hommes de Sverri prirent leur temps pour l’achever.
Il hurlait dans la neige ensanglantée, et sa lente agonie fut une leçon pour
nous. Je continuai donc de couper les arbres, de tailler les troncs et de les
fendre avec un coin.
    — Si seulement ces enfants s’approchaient,
dit le lendemain Finan, j’étranglerais ces misérables petits gueux.
    Je fus étonné, car jamais je ne l’avais
entendu prononcer une phrase aussi longue.
    — Mieux vaudrait les prendre en otage, suggérai-je.
    — Mais ils sont trop malins pour s’approcher,
reprit-il en

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