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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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un tchador plus épais, doté d’une mince fente au niveau des
yeux. Enveloppées dans leurs amples vêtements et couvertes de ce voile, les
femmes ne ressemblent plus qu’à d’épaisses masses mouvantes. D’ailleurs, à la
vérité, à moins qu’elles ne soient effectivement en mouvement, il est presque
impossible pour un non-Arabe de discerner chez elles l’avant de l’arrière.
    À l’aide de gestes et de grimaces, je réussis à poser
la question à mes camarades. Supposons qu’à la manière des Vénitiens ils se
promènent dans la rue pour lorgner les jolies filles... Comment feraient-ils,
justement, pour distinguer lesquelles de ces femmes étaient belles ?
    Ils me laissèrent entendre que la première marque de
beauté chez une femme musulmane ne tenait nullement à l’harmonie des traits de
son visage, ni à sa silhouette. Ce qui comptait avant tout, c’était
l’importance et la massivité de ses hanches et de son derrière. Et un œil
expérimenté, m’assurèrent les garçons, évaluait sans difficulté, même sous
leurs larges vêtements d’extérieur, ces palpitantes rondeurs tant prisées chez
les femmes. Mais ils me mirent en garde, car certaines apparences pouvaient
s’avérer trompeuses, nombre de femmes matelassant de façon artificielle leurs
hanches et leurs fesses pour en accroître le volume.
    Je posai alors une seconde question. Imaginons que,
comme les jeunes hommes de Venise, Ibrahim, Nasser et Dahoud désirent hardiment
faire la connaissance d’une belle étrangère... Comment s’y
prendraient-ils ?
    Ma requête sembla les désorienter quelque peu. Ils me
demandèrent de la préciser. Voulais-je parler d’une belle femme, vraiment ?
    Oui, bien sûr. Qu’aurais-je voulu dire d’autre ?
    Ne voulais-je pas plutôt parler d’un bel homme ou d’un
joli garçon ?
    Je m’en étais déjà douté, mais à présent cela devenait
certain, j’étais tombé sur une équipe de chevaliers de la tour qui penche. Je
n’en fus pas particulièrement surpris, la ville d’Acre n’étant pas si éloignée
du site de l’antique cité de Sodome.
    Les garçons recommencèrent à railler ma naïveté de
chrétien. D’après ce que je pus saisir de leurs pantomimes et de leur
rudimentaire galimatias de français, aux yeux de l’Islam et de leur Coran
sacré, les femmes n’avaient été créées que pour que les hommes puissent en
obtenir des rejetons mâles. Excepté le cas d’hommes de pouvoir fort riches, qui
pouvaient acquérir et entretenir un essaim de vierges certifiées, lesquelles
seraient utilisées une fois avant d’être écartées, bien peu de musulmans
avaient recours aux femmes pour satisfaire leurs désirs sexuels. Pourquoi
l’auraient-ils fait ? Il y avait à portée de main tant d’hommes et de
jeunes garçons plus potelés et attrayants que n’importe quelle femme. Toute
autre considération mise à part, un amant mâle était largement préférable à une
maîtresse femelle, par le simple fait qu’il s’agissait justement d’un homme !
    Alors, pour me prouver par l’exemple la supériorité
intrinsèque de l’élément mâle, ils attirèrent mon attention sur une forme
mouvante qui passait et qui, à l’évidence, était une femme, puisqu’elle
transportait, enveloppé dans une pièce supplémentaire de tissu, un enfant. On
pouvait être sûr, m’expliquèrent-ils, que le bébé qu’elle promenait était un
garçon. À quoi pouvait-on voir cela ? Au nuage bourdonnant de mouches qui
lui couvrait la figure. Ne m’étais-je pas demandé, me dirent-ils, pourquoi la
mère ne cherchait pas à dissiper du geste cette masse d’insectes ailés ?
J’aurais été assez enclin à leur suggérer « par pure fainéantise »,
mais les garçons donnèrent immédiatement l’explication. La mère était ravie que
les mouches couvrent le visage de son enfant, parce que c’était un
garçon. En effet, grâce à cette protection providentielle, il serait bien
difficile à un éventuel djinn ou afarit malintentionné passant
par là de se rendre compte qu’il s’agissait d’un précieux enfant mâle. Ce
dernier se trouvait donc à l’abri de toute maladie, malédiction ou affliction
qu’on aurait pu lui lancer. Si le bébé avait été une fille, sa mère n’aurait
pas hésité à disperser les mouches, lui dévoilant ainsi le visage. Les démons
avaient en effet bien mieux à faire que de perdre leur temps à s’attaquer à une
créature femelle.

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