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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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détermination le droit de rejoindre la Jérusalem céleste.
    Que le chemin qui devait le mener en Terre sainte lui avait paru long ! Les compagnons tombaient autour de lui, et il leur avait fallu plus de deux dizaines de jours après le début du carême pour parvenir enfin à Venise, l’opulente, là où une flotte immense les attendait, la plus grande au monde, pour les conduire en Orient. Touvenel avait d’abord été émerveillé par la richesse de cette république, ses dômes dorés, ses hauts campaniles, autant que par l’agitation de ses rues encombrées d’un peuple bigarré de Latins et d’Orientaux. Il ne fut plus émerveillé, mais surpris, lorsqu’on lui demanda de payer cher, très cher, en véritables écus d’or, son embarquement avec son écuyer et leurs chevaux sur une galère vénitienne. Il avait déjà investi presque tout son pécule dans son voyage. Mais que n’aurait-il accepté, comme ses compagnons, pour rejoindre la Terre sainte, Saint-Jean-d’Âcre la vaillante, et Jérusalem, le nombril du monde ? Il avait payé. Et, malgré cela, parti délivrer le royaume de Dieu, il n’avait jamais atteint la Palestine.
     
    Maintenant, il n’est plus qu’un croisé égaré, au visage émacié rongé par une barbe de plusieurs jours, le ventre creux, aussi fourbu que son cheval. En croupe, il porte derrière lui une jeune Mauresque, accrochée à sa taille. Et, pour toute escorte, un seul écuyer qui souffre le martyre sur un mulet efflanqué, chargé de surcroît de leurs pauvres effets et de leurs armes désormais inutiles.
    Une fois le petit Rhône traversé sur le pont de Saint-Gilles, le chevalier s’était senti mieux. Il s’était remémoré avec un plaisir certain son étape ici en même temps que les croisés en partance pour la Terre sainte. En leur compagnie, il s’était agenouillé et recueilli dans la crypte pour prier devant les reliques du saint. Avant de bivouaquer, ils avaient tué et fait rôtir biches et sangliers. Il avait couché sur la paille, à côté de son écuyer, la tête appuyée à leur bagage. Aux mâtines, après la bénédiction des moines en robe noire, il avait passé le Rhône sur le pont de bois. Il avait cru que là commençait l’aventure absolue de sa vie. Mais à présent, à son retour, en repassant par les mêmes lieux, il ne savait plus qu’en penser.
     
    Passé les landes sablonneuses de la Camargue, la terre s’est faite plus dure. Les parfums du thym et du romarin embaument la garrigue. Chaque jour il demande, dans sa chère langue d’oc, des nouvelles du pays toulousain aux marchands ambulants qui en viennent et se dirigent vers la Provence, mais ils ne lui apprennent pas grand-chose, excepté que des troubles agitent la région depuis que le départ des hommes à la croisade et le retour de certains, transformés en routiers pilleurs et rançonneurs, ont développé partout l’insécurité.
    Plus il avance, et plus Bertrand de Touvenel, seigneur de Carrère, commence à s’inquiéter pour sa femme, son castel et ses vilains. Pressé de retrouver son âme, son passé et son avenir, il décide un matin de forcer l’allure et d’accomplir des étapes plus longues. Ils n’y parviennent que durant deux jours dont ils sortent tous trois exténués. De nouveau, il doit ralentir leur marche. Son cheval ne supporte plus le poids de la jeune Mauresque, ajouté au sien. À cet inconvénient se joint le pas trop lent du mulet sur lequel Robert semble mourir à petit feu depuis qu’ils ont passé les lagunes du pays vénitien. Une forte fièvre le ronge. Aller plus vite le mettrait en danger. La joie de Touvenel à l’idée de retrouver son pays s’est atténuée. Une fois gagnées les landes arides, autrefois fréquentées par les chasseurs, il n’y a plus, comme signe de vie, que le vol angoissant, au-dessus d’eux, des buses et des aigles.
    — On ne peut pas dire que les éléments nous souhaitent la bienvenue ! Même les corbeaux voleraient sur le dos pour ne pas voir une telle misère ! tente de plaisanter le croisé en se retournant vers Yasmina, sa compagne de route.
    Apparemment indifférente, la jeune femme répond, d’un regard absent :
    — Comment volaient les corbeaux lors du sac de Constantinople par toi et les tiens ?
     
    Constantinople ! Il se rappelle le voyage en mer rythmé par les rameurs levant les avirons et le trinquet. Il revoit la misaine et la grand-voile carrée claquant au vent du sud-ouest entre

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