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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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est frais, son visage agréable, et il en impose toujours autant à ceux qu’il approche. En mordant dans sa tranche de pain accompagnée de fromage, Stranieri observe la tenue du roi, étonné par la simplicité de ses vêtements solides, leur facture ordinaire, leur couleur uniformément fauve. Il devine que Philippe a choisi de rester simple, pour plaire autant au peuple qu’aux bourgeois. « Plus rusé et subtil qu’un renard malgré son apparence avenante, pense-t-il, mais je saurai bien trouver le défaut de la cuirasse. »
    Philippe s’arrête brusquement de manger et jette à Stranieri un regard de chasseur habitué à jauger le gibier sur les moindres indices.
    — Parle, à présent. Qu’attends-tu de moi, au juste ?
    Plantant la pointe de son couteau dans un morceau de viande, il le partage en deux sur son tranchoir de pain et en tend la moitié à Stranieri, tout en faisant signe à un valet de lui servir un verre de vin.
    — De l’aiguillette de canard sauvage. Un colvert. J’en ai eu trois à la fronde, hier. Goûte, c’est fameux.
    — Merci, Votre Altesse.
    Stranieri engloutit le morceau de viande avec un plaisir non dissimulé et avale une gorgée du vin.
    — Comprenez bien que Sa Sainteté ne m’envoie vers vous qu’à titre exploratoire…
    — Viens-en au fait ! le coupe sèchement Philippe.
    — Qu’il ne s’agit en aucun cas d’une demande officielle…
    — Au fait ! Je sais que les missions officielles, son légat s’en charge !
    — Je ne suis là que pour envisager avec vous des hypothèses qui n’ont encore pas lieu d’être…
    — Arrête, avec tes simagrées. Tu es un envoyé officieux, j’ai compris.
    Stranieri boit une autre gorgée de vin pour se donner le courage de poursuivre.
    — C’est au sujet de l’Occitanie…
    — Frère Guérin m’a déjà tout dit sur l’objet de ta mission, le coupe Philippe. J’attends plutôt que tu m’expliques l’intérêt que j’aurais à me porter au secours de l’Église catholique dans cette région. Quand je vois comment se comportent vos représentants, je m’étonne plutôt que l’hérésie cathare que vous voulez combattre n’ait pas déjà envahi toute l’Europe.
    — Que voulez-vous dire, Altesse ?
    — Comme si tu ne le savais pas ! Vos prélats orgueilleux et gras comme des pourceaux qui habitent dans des châteaux, se complaisent dans la débauche, achètent leur élection et vendent à l’encan leurs objets sacrés ! Ces parades d’habits dorés ! Étonnez-vous que d’autres se nomment « purs » et réfutent votre enseignement.
    — Notre Saint-Père a essayé de sévir à plusieurs reprises contre ces débordements, mais il n’a pas toujours été écouté.
    — Eh bien, retourne donc lui dire qu’il continue de balayer devant sa porte. Cela suffira sans doute à endiguer, mieux que toute autre action, le mal dont il se plaint.
    Stranieri reste un moment silencieux, déstabilisé par les imprécations du roi.
    — Permettez-moi de faire cependant remarquer à Votre Altesse que le problème est plus grave. Qu’elle imagine en effet que cette hérésie cathare se propage dans son royaume, ainsi qu’elle l’a déjà fait en Champagne, en Bourgogne, dans les Flandres, et en Allemagne. Ce n’est pas seulement la religion catholique qu’elle y menacerait, mais à plus long terme, l’ordre social tout entier, en montant les pauvres contre les riches, les paysans contre leurs seigneurs, les villes contre les châteaux, et bientôt l’ensemble du pays contre l’autorité royale.
    Philippe, qui allait avaler une nouvelle aiguillette, suspend son geste et s’absorbe dans une courte réflexion.
    — Quelle divine solution aurait donc envisagée le Saint-Père pour s’opposer à cette si dangereuse contamination ?
    — L’éventualité d’une intervention militaire, si aucune prédication pacifique, comme celle que tente encore aujourd’hui notre Sainte Église, n’y pouvait rien.
    — Une croisade de chrétiens contre des chrétiens ? s’étonne Philippe. Après la honteuse expédition contre Byzance ?
    Stranieri se signe à cette évocation.
    — Dieu nous pardonne cette malheureuse aventure détournée par les Vénitiens à leur profit ! Elle n’a rien à voir avec la croisade que nous lancerions contre des blasphémateurs, seigneur roi.
    — Ta nouvelle croisade trouvera malheureusement sur sa route d’autres adversaires que tes malheureux

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