L'hérétique
faisait
un pas en avant.
Il se baissa pour se glisser dans le caveau bas de plafond
et récupéra la boîte de bois sur son piédestal.
Le coffret cubique était ingénieusement conçu, car il ne
semblait pas avoir de couvercle. Sur un côté – le sommet, présuma
Bessières –, on voyait une croix d’argent incrustée que les ans avaient
ternie. Ceci mis à part, il n’y avait aucune inscription sur l’extérieur de la
boîte, aucun indice permettant de se faire une idée de son contenu.
Bessières secoua l’écrin, entendit un bruit. Brusquement, il
s’arrêta. Certes, il avait peut-être entre les mains le vrai Graal. Mais si ce
n’était pas le cas… S’il y avait tout à fait autre chose dans le coffret…
C’était peut-être là l’occasion idéale pour sortir le faux Graal du tube qui ne
quittait pas sa ceinture et prétendre qu’il l’avait découvert sous l’autel en
ruines d’Astarac !
— Ouvrez-le, dit l’un de ses hommes.
— Ferme-la ! hurla le balafré, qui voulait encore
réfléchir.
L’Anglais était encore en liberté, mais il allait
probablement être capturé, et si l’archer était en possession du vrai Graal,
cela prouverait indubitablement que celui de Gaspard était faux. Bessières
était encore une fois confronté à un terrible dilemme, comme il l’avait été
dans l’ossuaire quand il avait eu l’opportunité de tuer Vexille. Si l’on
sortait le Graal de l’orfèvre au mauvais moment, les rêves de vie facile dans
le palais du pape d’Avignon s’évanouiraient. Il conclut donc qu’il valait mieux
attendre la capture de l’Anglais pour s’assurer qu’il n’y avait qu’un seul
Graal. Sauf… sauf si cette boîte contenait bien le trésor !
Il la ramena à la lumière du jour. Avec son couteau, il
s’attaqua aux solides jointures du coffret. L’un de ses hommes proposa
d’éclater le bois à la masse. Bessières le traita de fou.
— Tu veux pulvériser ce qu’il y a à l’intérieur ?
Il repoussa violemment l’homme, continua de jouer du poignard.
À force d’une application patiente, il parvint enfin à enlever un côté.
Le contenu était enveloppé dans un tissu de laine blanc.
Bessières le sortit précautionneusement en priant pour qu’il s’agisse vraiment
du formidable trésor. Impatients de voir ce que c’était, ses hommes se
rassemblèrent autour de lui. Lentement, monsieur Charles défit le vieux tissu
élimé.
Pour trouver… des os.
Il n’y avait que des os.
Un crâne, quelques os du pied, une omoplate et trois côtes.
Bessières les observa bêtement, puis il lança un juron, sous les rires de ses
comparses. En proie à un soudain accès de rage, le frère du cardinal lança le
crâne qui disparut dans le caveau, roula et s’immobilisa.
Il avait émoussé son meilleur couteau simplement pour
trouver quelques vieux os de saint Sever, le fameux guérisseur des anges !
Le Graal, lui, était encore caché.
Toute l’animation autour d’Astarac n’avait pas manqué
d’intriguer les coredors. Quand des hommes armés pillaient une ville ou
un village, il y avait toujours des fugitifs qui faisaient des proies faciles
pour des hors-la-loi désespérés et affamés. Destral, chef de près d’une
centaine de coredors, avait observé à distance le calvaire d’Astarac et
regardé dans quelle direction partaient les pauvres bougres qui fuyaient la
soldatesque.
La plupart des coredors étaient eux-mêmes des
fugitifs. Mais pas tous ! Certains n’étaient que des hommes dont la chance
avait tourné, d’autres étaient d’anciens soldats ou mercenaires n’ayant plus
trouvé d’affectation après l’arrêt des hostilités, et tous avaient refusé de
devenir des serfs. En été, ils fondaient comme des oiseaux de proie sur les
troupeaux emmenés dans les alpages et tendaient des embuscades aux voyageurs
imprudents qui s’aventuraient dans les passes des montagnes. Cependant, en hiver
ils étaient contraints de redescendre dans les vallées pour trouver victimes et
refuges. Les effectifs de la bande allaient et venaient : des hommes
arrivaient, repartaient ; certains étaient accompagnés de femmes, d’autres
pas. Quelques-uns mouraient de maladie. Il y en avait même qui, un beau jour,
décidaient de quitter le groupe en emmenant le petit pécule amassé dans
l’espoir de reprendre une vie plus honnête. Et certains se faisaient tuer en se
battant à cause d’une femme ou d’une prise avec un autre membre
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