L'histoire secrète des dalaï-lamas
prendre le chemin de l’exil en 1959, le dalaï-lama n’a toujours pas aboli le servage et certaines formes d’esclavagisme dans son pays. Malgré ses promesses de démocratisation, le souverain tibétain et son gouvernement en exil ne sont pas non plus sortis du système, politique, social et judiciaire, des hiérarchies cosmogoniques : l’ordre divin prédomine sur l’humain, sachant que la condition sociale de chaque Tibétain à la naissance détermine sa place dans la société, et son degré de soumission à la loi du Dharma.
À Dharamsala, Tenzin Gyatso a également multiplié les réformes, sans jamais remettre en cause le système théocratique de son pays et de son gouvernement. C’est vrai, le dalaï-lama a chargé une commission pour étudier les Constitutions, américaine, anglaise et française, afin de donner à son administration une nouvelle forme constitutionnelle : « Le projet de Constitution de 1963, explique-t-il, a autorisé un Conseil des régents à assumer les pouvoirs du dalaï-lama dans des circonstances particulières, s’il s’agissait du plus haut intérêt de la nation. Eu égard aux souhaits du peuple et aux circonstances qui prévalaient à cette époque, la constitution conférait l’autorité gouvernementale au dalaï-lama en dernière instance. Naturellement, je n’étais pas satisfait de cette clause, ayant le sentiment que je m’éloignais de mon but, celui d’une authentique démocratie (...). Le jour où le Tibet retrouvera son indépendance, le peuple devra décider par lui-même du type de gouvernement qu’il voudra. J’ai aussi déclaré que le système ayant le dalaï-lama comme chef suprême continuerait [513] . »
Ces propos datent de 1994 et, depuis, malheureusement, le souverain tibétain semble avoir oublié ses promesses, à savoir son retour au Potala, dans un Tibet indépendant libéré de l’occupation chinoise et des réformes démocratiques dignes de ce nom pour mener son pays sur la voie de la modernité. Si Tenzin Gyatso parle toujours de retrouver son palais d’hiver, restauré à grands frais par les communistes, il n’est plus question pour lui d’indépendance ; tout juste évoque-t-il une autonomie de façade sur le Tibet central, les autres provinces tibétaines du Kham et de l’Amdo ayant été absorbées depuis longtemps dans les provinces chinoises du Qinghai et du Yunnan. Seulement, depuis, il y a eu le G20... C’est à Londres, le 2 avril 2009, à l’issue d’un sommet historique, que la France et la Chine ont décidé de renforcer les liens bilatéraux affectés par des tensions autour de la question du Tibet. Les relations franco-chinoises s’étaient détériorées à la suite du passage de la flamme olympique à Paris, puis de la décision de la Ville de Paris de faire du dalaï-lama un citoyen d’honneur, et, enfin, de la rencontre entre Nicolas Sarkozy, le président français, et Tenzin Gyatso, le 6 novembre 2008, à Gdansk, en Pologne. Dans un communiqué commun, la France et la Chine réitèrent leur attachement au principe de non-ingérence, tel que le prévoit la Charte des Nations unies. Dans cet esprit, le texte du ministère français des Affaires étrangères explique : « La France mesure pleinement l’importance et la sensibilité de la question du Tibet et réaffirme qu’elle s’en tient à la politique d’une seule Chine et à sa position selon laquelle le Tibet fait partie intégrante du territoire chinois [514] . »
La France et l’ensemble des pays du G20 abandonnent le Tibet et le dalaï-lama pour mieux courtiser le président Hu Jintao. C’en est fini des références à une autonomie culturelle du Tibet et des droits de l’homme sur le Toit du monde et en Chine.
Cependant, une précision s’impose : « l’authentique démocratie », si chère au quatorzième dalaï-lama, n’a jamais existé, quand bien même le fonctionnement de son gouvernement en exil en applique les règles fondamentales. Son parlement est rééligible tous les cinq ans. Il se compose de quarante-six députés : dix, pour chacune des trois provinces traditionnelles du Tibet, Amdo, Kham et Ü-Tsang ; deux, pour chacune des quatre écoles du bouddhisme tibétain, et deux autres représentant les bönpos ; deux représentant la diaspora tibétaine en Europe ; un seul, la diaspora d’Amérique du Nord. Enfin, un à trois députés, nommés par le dalaï-lama, sont en charge de la culture, des sciences et
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