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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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faire la cour à un homme, certes réputé
incorruptible, mais qui, bénéficiant de l'immense
privilège d'une audience hebdomadaire avec le roi, pouvait
d'un mot ruiner une réputation et briser une carrière.

    Quand Nicolas
entra dans la pièce, Sartine n'était pas seul. D'un
coup d'œil, il lui fit comprendre de demeurer en arrière
et de prêter l'oreille. Nicolas observa la scène. Le
lieutenant général, debout derrière son bureau,
considérait pensivement plusieurs têtes de mannequins
d'osier recouvertes de perruques. Nicolas supposa qu'il avait été
interrompu dans sa manipulation matinale. Il avait l'air à la
fois déférent et excédé. Assis dans un
fauteuil, un gros homme courtaud et ventripotent, vêtu d'un
habit de velours feuille-morte, discourait d'un ton aussi haut que sa
perruque à l'allemande. Son français parfait étonnait
pourtant par un fort accent que Nicolas imagina tudesque. Il portait
à la main gauche une bague avec un gros brillant qui
étincelait chaque fois qu'il soulignait son propos d'un
mouvement péremptoire du bras. Nicolas prêta l'oreille.

    M. de Sartine
soupira.

    â€“ Puis-je
présenter à Votre Excellence le commissaire Nicolas Le
Floch, que je compte charger de l'affaire qui me vaut l'honneur de
vous recevoir.

    L'homme se
retourna à peine, jeta un regard furibond sur le jeune homme,
et reprit aussitôt la parole.

    â€“ Je vais
donc devoir me répéter... Ce qui m'est advenu m'afflige
au plus haut point et je voudrais que vous saisissiez combien je suis
désolé d'avoir à vous informer d'un événement
d'autant plus désagréable que j'avais pris toutes les
précautions possibles pour le prévenir. Hier soir,
entre six et sept heures, je rentrais de Versailles quand mon
carrosse fut arrêté par des commis à la porte de
la Conférence. L'un d'eux vint à la portière me
dire qu'il savait que ma voiture était remplie de contrebande.
Vous imaginez l'étonnement qui fut le mien ! Je répondis
à ce personnage - un exempt, je crois - qu'il n'avait qu'à
me suivre et que je la ferais fouiller en sa présence, et que
s'il y trouvait en effet de la contrebande, il n'aurait qu'à
s'en saisir. Il accompagna donc mon carrosse et c'est alors, chemin
faisant, que la réflexion me détermina d'une part, à
écrire à M. de Choiseul sur la manière dont
était traité le ministre de l'Électeur de
Bavière à Paris et, d'autre part, à vous
demander audience, monsieur, afin de vous rendre témoin de ce
qui m'est arrivé et de vous prier de faire mettre en prison
ceux de mes gens qui se révéleraient coupables, pour
les obliger à découvrir d'où procédait
cette contrebande.

    La tête du
lieutenant général oscillait, s'abaissant et se
relevant alternativement comme celle d'un cheval qui essaie de se
débarrasser de sa bride.

    â€“ Et de
fait, qu'en était-il d'une si hasardeuse et insultante
supposition ?

    â€“ Arrivé
à mon hôtel, j'ai abandonné l'homme de police à
ses recherches. Mon valet de chambre, qui m'avait accompagné à
Versailles et qui avait questionné mon cocher, m'assura qu'il
lui avait avoué être le seul coupable. L'exempt en
question demanda à me voir et m'informa que mon carrosse était
rempli de tabac et que ledit cocher accusait le postillon du nonce de
le lui avoir remis. Il fut impossible d'en tirer autre chose.
Entre-temps, mon cocher s'était enfui. Quant au nonce, que
j'allai voir incontinent, il refusa absolument d'avoir à
livrer son postillon.

    Nicolas observa
que son chef était en train de procéder à des
translations latérales d'objets sur son bureau comme s'il
jouait aux échecs et que, dans la perspective d'une offensive
adverse, il se fût décidé à roquer. Cette
attitude était le signe indubitable d'une irritation
croissante.

    â€“ Et que
puis-je faire au juste pour Votre Excellence ?

    Le ministre, à
qui le manège de M de Sartine n'avait pas échappé,
reprit, un ton au-dessous :

    â€“ Tel est
l'état de cette affaire dont j'aurais voulu épargner
l'ennuyeux détail à votre attention. Mais je n'ai pas
cru pouvoir m'en dispenser. Si quelqu'un eût dû être
à l'abri de pareils désagréments, c'est bien
moi, par la précaution que j'ai cent

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