L'homme au ventre de plomb
noire. Elle s'en tient au daim, gibier réputé
inoffensif. Il n'y a pas d'habit requis pour cette chasse ; le
justaucorps suffit avec une veste et des bottes. Nous sommes Ã
peu près de la même taille. Mes gens vous fourniront le
tout. Ainsi, vous voilà rassuré !
Il lui expliqua
que les premiers valets de chambre du roi avaient autorité sur
tout le service intérieur du palais et disposaient pour
eux-mêmes d'une nombreuse domesticité : cuisinier,
maître d'hôtel, laquais et cocher. Ils pouvaient manger
sur le service du roi, toujours trop abondant et dont la desserte
était redistribuée.
– Je cours
m'habiller et pars de suite à Paris. Vous êtes chez
vous. Des questions ?
– Je cherche
un garde du corps. Où pourrais-je selon vous le trouver ?
– Dans sa
caserne ou bien encore demain, dans la galerie, lorsque le roi ira
entendre la messe. Gaspard vous aidera, ce garçon est un
fieffé malin !
La main sur la
porte, il se retourna.
– Ah !
Encore une chose. Le rendez-vous de chasse est devant le château,
côté parc. Vous êtes marqué sur une liste.
Vous vous faites reconnaître et montez en carrosse. Il vous
mènera jusqu'au point de ralliement où l'on vous
attribuera un cheval.
Il courut prendre
quelque chose sur la cheminée.
– Contre ce
billet. Amusez les piqueurs, vous vous en trouverez bien pour le coup
et pour la fois prochaine : ce sont eux qui choisissent les chevaux !
Ne vous inquiétez de rien, mes gens sont avertis. Gaspard ne
vous quittera pas. Il va prévenir votre cocher de revenir
lundi. Enfin, ma bibliothèque est à votre disposition.
Il sortit de la
pièce. Son absence fut brève ; il réapparut
habillé et coiffé et, après un geste d'amitié
à Nicolas qui lisait, sortit.
Nicolas vivait un
moment rare. Il ne parvenait pas à se persuader qu'il était
dans le palais des rois. Jamais il n'avait habité un endroit
d'une telle splendeur, si éloigné de l'austérité
de sa mansarde de Guérande ou même du bon goût de
sa chambre chez M. de Noblecourt. Même les splendeurs antiques
du château de Ranreuil lui paraissaient effacées par ce
qui l'entourait. Il avait parcouru les titres des volumes rassemblés,
tout au plaisir de la vue et du toucher des reliures. Les sujets
intéressaient la musique, l'histoire, les voyages et la
littérature galante.
Nicolas songea
soudain au garçon bleu. Il ouvrit la porte sur le couloir et
le découvrit assis sur une banquette. Connaissant son monde,
il lui donna quelques pièces qui furent empochées sans
remerciement, mais avec une grimace de satisfaction. Il l'informa
qu'il n'aurait pas besoin de lui de toute la soirée, mais
qu'il comptait sur lui le lendemain dimanche, pour le guider vers la
galerie où passerait le roi et où il espérait
trouver Truche de La Chaux.
Gaspard le
rassura. Il couchait à quelques toises de là et M. de
La Borde lui avait bien recommandé de veiller sur Nicolas et
de demeurer à sa disposition. Nicolas l'interrogea sur la
possibilité de rencontrer le garde du corps.
– Cela,
monsieur, je puis vous l'assurer. C'est quelqu'un de très
demandé.
– Comment
cela, un autre que moi le recherche aussi ?
– Le
recherchait. Lundi ou mardi... Non, mardi. M. de La Borde était
parti à Paris pour la journée; il devait assister Ã
une représentation à l'Opéra. Vers onze heures
ou midi, je me trouvais dans la cour des Princes quand un quidam m'a
demandé de porter un billet à Truche de La Chaux.
– Vous le
connaissez donc ?
– Oui, de
vue, comme les autres.
– Et vous
lui avez remis ce billet ?
– Non, pas Ã
lui. Lorsque je suis arrivé dans la salle des gardes, il n'y
était pas, mais un lieutenant aux gardes françaises de
ses amis, m'entendant m'enquérir de lui, a pris le billet et
m'a certifié qu'il lui remettrait aussitôt qu'il le
verrait.
– VoilÃ
qui est intéressant. Voulez-vous gagner quelques écus
de surcroît ?
– Je suis
tout à vous, monsieur.
Il tendit la main
que Nicolas emplit honnêtement.
– Cette
personne qui vous a confié le billet, vous l'aviez déjÃ
vue ?
– Non, il
s'agissait d'un valet sans livrée.
– Pouvez-vous
me le décrire ?
– Au
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