L'Iliade et l'Odyssée
meilleur
serait de retourner au navire, de donner leur repas à ses hommes,
et de les envoyer ensuite en reconnaissance.
Quand ils eurent fini de manger, Ulysse
rassembla ses compagnons et leur dit : « Amis, je suis
monté là-haut sur la colline et j’ai vu que nous sommes dans une
île baignée par la mer infinie. Au milieu de l’île, j’ai aperçu une
fumée qui s’élevait parmi les arbres. »
À ces mots, leur coeur fut brisé de tristesse.
Ils se souvenaient des terribles géants auxquels ils venaient
d’échapper, et du brutal Cyclope. Ils pleuraient bruyamment, – mais
à quoi bon ces larmes ?
Alors Ulysse partagea ses compagnons en deux
bandes. Il prit le commandement de l’une d’elles, tandis que le
vaillant Euryloque prenait le commandement de l’autre. On secoua
les sorts dans un casque, et ce fut celui d’Euryloque qui sortit.
Il se mit en route avec ses hommes. À ce moment tout le monde
pleurait.
Ils trouvèrent la maison de Circé dans un val,
au milieu d’une clairière.
Des loups et des lions rôdaient tout autour de
la maison : c’étaient des hommes que la déesse avait
ensorcelés. Ils ne se jetèrent pas sur les nouveaux venus, mais les
caressèrent comme des chiens qui accueillent leur maître.
Les hommes s’arrêtèrent au seuil de la maison.
Ils entendaient Circé qui, à l’intérieur, chantait de sa belle voix
en tissant au métier une toile merveilleuse, digne d’une
déesse.
Alors Polithès, le sage meneur de guerriers,
leur dit : « Mes amis, il y a là-dedans quelqu’un qui
tisse en chantant. Que ce soit une femme ou une déesse, appelons-la
sans tarder. »
Tous se mirent donc à appeler à la fois. Circé
vint aussitôt ouvrir la porte brillante et les invita à entrer.
Seul Euryloque resta, car il avait flairé un piège.
Elle leur offrit des sièges confortables, puis
leur prépara un mélange de fromage, de farine et de miel délayés
dans du vin. Mais elle y ajouta de funestes drogues, pour leur
faire oublier leur patrie. Quand ils eurent pris ce breuvage, elle
les frappa de sa baguette, et à l’instant ils se trouvèrent changés
en porcs. Circé les enferma dans son étable à porcs et leur jeta
des glands en pâture.
Euryloque revint vite au vaisseau apporter des
nouvelles de ses compagnons et de leur triste sort. Quand Ulysse
l’eut entendu, il prit sa grande épée de bronze et son arc à
l’épaule. Mais Euryloque lui pressait les genoux, le suppliant de
fuir en hâte avec les hommes qui restaient.
Ulysse lui répondit : « Reste ici,
Euryloque, à manger et à boire près du navire ; mais moi,
j’irai, car le devoir m’appelle. »
Puis Ulysse quitta le rivage et s’enfonça dans
l’île. Là, il rencontra Hermès, le messager des dieux, qui lui
apparut sous les traits d’un jeune homme. Hermès prit Ulysse par la
main et lui dit : « Où vas-tu, malheureux ? Tes
compagnons sont enfermés dans l’étable à porcs de Circé. Toi aussi,
tu resteras avec les autres…
« Mais je veux te sauver. Prends, avant
d’entrer dans la maison de Circé, cette herbe qui te préservera du
malheur. »
Hermès donna à Ulysse une herbe qu’il avait
cueillie : sa racine était noire et sa fleur blanche. Les
dieux l’appelaient moly, et les hommes ne pouvaient l’arracher
qu’avec peine.
Puis Hermès regagna l’Olympe. Ulysse, lui, se
dirigea vers la maison de Circé, le coeur plein de pensées.
Ulysse s’arrêta à la porte de la maison de
Circé et se mit à appeler. Aussitôt la déesse vint lui ouvrir.
Il la suivit, et elle le fit asseoir sur un
fauteuil aux clous d’argent, muni d’un marchepied. Elle lui prépara
un breuvage, dans lequel elle versa ses funestes drogues. Il le but
d’un trait, mais ne fut pas ensorcelé. Néanmoins elle le frappa de
sa baguette en disant : «À l’étable, toi aussi. »
Alors Ulysse tira son épée et s’élança sur
elle, comme pour la tuer. Circé poussa un cri et se jeta à ses
genoux, en disant : « Qui es-tu ? De quel pays
viens-tu ? Jamais homme n’a pu boire ce breuvage sans être
ensorcelé. C’est donc toi, Ulysse aux mille ruses. Hermès m’avait
prédit que tu t’arrêterais ici, à ton retour de Troie.
Allons ! Remets ton épée au fourreau et soyons
amis. »
Mais Ulysse lui répondit : « Comment
peux-tu me demander mon amitié quand tu as changé mes compagnons en
porcs ? Jamais je ne serai ton ami, tant que tu n’auras pas
juré de ne me faire aucun
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