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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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un choix entre l’un des deux extrêmes, car l’opinion du centre courait de grands dangers.
    Pour espionner, ma place s’avérait idéale. À la dernière phrase du sermon, j’aurais pu établir un état exact de la piété de la cour. Et je ne doutais pas que cette idée aurait intéressé le roi, comme il l’avait expliqué au marquis de Penhoët, trouvant dans la « plaisanterie » à propos de La Salle un moyen de vérifier la solidité spirituelle de ses sujets. Ce comptage m’aurait-il servi dans l’affaire du fantôme ? Sans doute, si j’avais pu sonder sincèrement les cœurs et connaître ainsi les opinions qui s’y cachaient, car janséniste, oratorien ou jésuite, ce n’était pas pareil. Les deux premiers ne plaisaient pas au roi et ils étaient pourchassés. Les derniers trônaient dans la chaire et dictaient leurs conceptions. Mais, en l’état, ce tableau d’ensemble et un peu grossier avait un intérêt. Le nombre très élevé de courtisans, bons ou mauvais élèves de la foi, prouvait que le sujet de la spiritualité porté par le roi était essentiel. Fantôme ou pas, la religion trônait au centre de toutes les pensées.
    Bourdaloue acheva son sermon en insistant sur la peur qu’exerçait Dieu sur les hommes. Tous les hommes ! répéta-t-il en dévisageant Louis XIV.
    — Dominum Deum tuum adorabis ! Tu adoreras le Seigneur ton Dieu. Et illi soli servies . Et lui seul, tu serviras. Amen .
    — Amen , répondit l’assemblée.
    — Amen , fit le roi après elle.
    Au-dessus de lui, il y avait Dieu, et le Roi-Soleil ne devait jamais l’oublier.
    Quand débutait la messe, j’avais cru voir en Louis XIV le chef du parti dévot, suite logique d’un monarque absolu. Mais à l’instant, il venait de reconnaître en public que Dieu régnait en maître sur lui. C’est donc qu’il existait un pouvoir qui échappait au roi. La liberté de ton employée par Bourdaloue d’ailleurs en témoignait. La foi avait tous les droits. Menaçant, accusant et condamnant, l’orateur se distinguait d’avec la vie à la cour, où le moindre écart vis-à-vis de l’autorité royale n’était pas toléré. Dès lors, le chef du parti dévot était-il vraiment le souverain ?
    Et si ce n’était pas lui, y avait-il un maître de Louis XIV et de Versailles, plus séduisant encore que la marquise de Montespan ?
    QUI ME MORD VA PLEURER

XIII. On me cherche, on me trouve
    Bourdaloue s’avança vers le chœur, dépassa la croisée du transept et traversa le vaisseau autel pour venir jusqu’au fond de la chapelle. Ses pas étaient comptés, sa démarche sévère. Il notait les présents. Maintenant, il trônait au milieu de l’assemblée, jetant çà et là des regards tendus aux fidèles. Après un long silence, il leva un bras vers le ciel tandis qu’un jeune officiant blafard dressait un Christ monumental taillé dans l’or et l’argent. Nous nous agenouillâmes. C’était l’instant de la bénédiction finale. Ite, missa est ... Les mots de Bourdaloue claquèrent dans les transepts. La chorale d’enfants entonna un motet de Jean-Baptiste Lully dominé par le Miserere . Le roi se releva, épanoui et dulcifié. La messe lui avait plu. Ita diis placuit 1 . La chose étant accomplie, le monde terrestre reprenait ses droits.
    La sortie de la chapelle se fit dans le désordre. Certains se seraient marché sur les pieds pour gagner les premiers rangs de la suite du roi, mais celui-ci n’accorda aucun regard à sa cour. Il avait un programme, il l’exécutait. La procession vers le dîner s’organisa.
    Ignorant les coups d’œil dont certains me gratifiaient, j’échappai à la meute pour tenter de trouver le marquis de Penhoët.
    — Venez ! dit-il à ma surprise en me saisissant par la manche.
    Il ne prononça pas d’autre mot jusqu’à ce que nous soyons sortis du château. Ensuite, il ne parla que pour faire avancer son carrosse et donner son ordre :
    — À mon appartement !
    Enfin, il se tourna vers moi :
    — Je n’ai jamais eu aussi peur...
    Ses yeux gris-bleu souriaient. Il se retint encore avant d’éclater de rire :
    — Hélène, vous me faites mourir et rajeunir à la fois ! Vous ressemblez tant à votre mère. Brûlante et passionnée ! Audacieuse et... Non, risque-tout ! Enfin, soupira-t-il, la marquise de Montespan en a dit assez aux curieux pour que vous soyez le sujet dont on parle à la cour. Il en est un seul pour vous maudire, le chevalier de Saint Val. Mais laissons cela.

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