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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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empêché de se rappeler les discours extraordinaires qu’il avait involontairement entendus. Mais en ce moment où il voyait sa tante visiter l’asile obscur de la pauvreté, il se sentit comme retenu par une curiosité irrésistible, et qui lui paraissait d’autant plus excusable, qu’il était fortement convaincu que, de manière ou d’autre, ces communications si particulières avaient rapport à lui.
    Il est évident que Mrs Lechmere s’était vêtue de manière à ne pouvoir être reconnue par ceux qui pourraient par hasard la voir rendre cette visite mystérieuse. Mais en ce moment le capuchon de sa grande mante était baissé de manière à laisser apercevoir ces traits flétris et cet œil dur, qui, au milieu de tout ce qui annonçait en elle la décadence de la nature, lançait encore des regards égoïstes et mondains. Elle était assise, tant à cause de ses infirmités que pour montrer l’air de supériorité qu’elle ne manquait jamais de prendre à l’égard de ses inférieurs, tandis qu’Abigaïl était debout devant elle, dans une attitude qui annonçait pourtant plus de contrainte que de respect.
    – Sotte femme ! dit Mrs Lechmere, de ce ton dur et repoussant qu’elle savait si bien prendre, quand elle voulait intimider, votre faiblesse sera votre ruine. Par égard pour vous-même, pour votre réputation, et même pour votre sûreté, il faut montrer plus de fermeté et vous élever au-dessus de cette superstition puérile et ridicule !
    – Ma ruine ! ma réputation ! répondit Abigaïl en regardant autour d’elle, les yeux égarés et les lèvres tremblantes ; qu’est-ce que la ruine, Mrs Lechmere, si la pauvreté dont vous voyez les preuves ne mérite pas ce nom ? Et quelle perte de réputation peut m’attirer un mépris plus humiliant que celui auquel mes péchés m’ont condamnée ?
    – Au milieu des embarras que m’a causés l’arrivée de mon petit-neveu, dit Mrs Lechmere, cherchant à prendre un ton plus doux, quoique ses manières n’annonçassent que trop clairement son mécontentement, j’ai peut-être oublié ma libéralité ordinaire.
    Abigaïl Pray reçut la pièce d’argent que Mrs Lechmere lui présentait, la laissa quelques instants dans sa main ouverte, et la regarda avec un air de distraction que la vieille dame prit pour du mécontentement.
    – Les troubles qui règnent, dit-elle, et la valeur décroissante des propriétés ont sensiblement diminué mes revenus ; mais, si ce que je vous donne n’est pas suffisant pour vos besoins les plus pressants, j’y ajouterai une autre couronne.
    – Cela suffira, répondit Abigaïl enfermant sa main avec un mouvement presque convulsif : Oui ! oui, cela suffira. Ô Madame ! quelque humiliante et quelque criminelle que soit la cupidité, plût au ciel que cette détestable passion eût été la seule cause de ma ruine !
    Lionel crut voir sa tante regarder Abigaïl avec un air d’inquiétude et d’embarras qui lui parut indiquer qu’il existait même entre elles quelques secrets dont l’une ne faisait pas confidence à l’autre, malgré leur étrange intimité ; mais la surprise qu’exprimèrent ses traits fit bientôt place à son air habituel de formalité sévère et de circonspection hautaine. Elle répondit avec un air de froideur, comme si elle eût voulu repousser jusqu’à l’idée qu’elle pût faire l’aveu d’une faute qui leur était commune.
    – Cette femme parle comme si elle avait perdu l’esprit. De quelles fautes est-elle coupable, si ce n’est de celles auxquelles la nature humaine est sujette ?
    – C’est vrai ! c’est vrai ! dit Abigaïl avec un rire convulsif ; comme vous le dites, c’est notre nature qui est coupable ; mais à mesure que je deviens vieille et infirme, mes nerfs sont irritables, et je m’oublie souvent, Madame. Quand on voit le tombeau si près de soi, cette vue est capable de donner des pensées de repentir, même à des cœurs plus endurcis que le mien.
    – Folle que vous êtes ! dit Mrs Lechmere en pâlissant, et pour le cacher elle rabaissa sur sa tête son capuchon, d’une main que la terreur plus que l’âge rendait tremblante ; pourquoi parler ainsi de la mort ? Vous n’êtes encore qu’un enfant.
    Elle prononça encore quelques mots, mais sa voix semblait étouffée, et Lionel ne put les entendre. Enfin, après une assez longue pause, elle releva la tête, et, jetant autour d’elle un regard sévère et altier,

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