Liquidez Paris !
arrivant.
– Pas le vôtre, mon général !
Le visiteur fut introduit dans le grand bureau du Reichsführer et les deux hommes se firent le salut devenu réglementaire pour toutes les armées depuis le 20 juillet.
– Reichsführer, général d’infanterie Dietrich von Choltitz, au rapport suivant les ordres du commandant en chef à l’Ouest.
Himmler se leva pour serrer la main du général.
– Soyez le bienvenu mon cher Choltitz. Puis-je vous féliciter pour votre nomination ? Une carrière magnifique ! De lieutenant-colonel à général d’infanterie en trois ans, nos officiers S. S. eux-mêmes n’ont pas cette cadence. Comment ça va-t-il à Paris ? Vous arrivez à gouverner ces Français ?
– J’y arrive, grommela le général.
Himmler lui prit familièrement le bras.
– Je le sais. Souvenir de Rotterdam ? demanda-t-il en montrant la croix qui ornait le cou de von Choltitz.
– En effet, Reichsführer.
– 18 mai 1940, g t Himmler en riant.
Son étonnante mémoire était célèbre. Il montra son bureau croulant sous les dossiers.
_ Depuis que je m’occupe de l’Intérieur, je suis accablé de travail, nous sommes entourés de traîtres. Que pensez-vous de ceci ? dit-il en tendant un document à von Choltitz qui le lut sans qu’un muscle bougeât de son visage.
« Police secrète. Direction de la police d’Etat. Berlin.
Gestapo IV-2-a-37 44 G.
Au Reichsführer S. S.
Q. G. Ersatz Heer.
Au nom du peuple allemand a été reconnu :
M me Elfriede Scholtz née Remarque a pendant des mois tenu des propos défaitistes. Il fallait supprimer le Führer, nos soldats n’étaient plus que de la chair à canon, etc., bref une propagande fanatique qui la déshonore pour toujours. Elle doit être punie de mort. L’accusatrice, sa propriétaire, ajoute que M me Elfriede Scholtz n’a jamais cru à la victoire et le lui a dit en privé à plusieurs reprises. M me Scholtz a été très influencée par le célèbre ouvrage de son frère, Erich Maria Remarque : A l’Ouest rien de nouveau , mais ce n’est en aucun cas une excuse, et elle avoue elle-même qu’elle n’a pas vu son frère depuis treize ans. Elle a agi en traître caractérisé, en agent du défaitisme et nous demandons pour elle la peine de mort. Elle sera en outre condamnée aux dépens. »
Signé : Dr Freisler, Dr Schulze-Weckert.
– La potence est une mort trop douce pour ce genre de gens, déclara Himmler.
Le général hocha la tête en silence tandis que le Reichsführer rangeait soigneusement un autre document qu’il se gardait bien de montrer à son hôte : c’était la liste ultrasecrète des montres, bracelets-montres, stylos, montres d’aveugles et chronomètres récoltés dans les camps de déportation. Il enchaîna aussitôt :
– Général, comme le Führer vous l’a déjà expliqué à la Wolfsschanze, il désire que Paris soit rasé. Je vous ai donc demandé de venir pour que vous me disiez pourquoi cet ordre n’a pas encore reçu un commencement d’exécution ? Mes agents me disent que la vie suit normalement son cours à Paris, à part quelques petits épisodes dus à la Résistance.
– Reichsführer, je manque d’hommes et d’armes. Les mortiers lourds ne sont pas arrivés, nul ne sait où ils sont, et comme leur champ de tir est très court, il faut que je les installe à l’intérieur de la ville. Je n’ai pas non plus reçu les unités promises.
– Vous aurez ce qu’il vous faut, affirma Himmler. Je suis en train de reconstituer deux régiments Do muni de batteries de roquettes. Tohr et Gamma sont en route ; j’ai donné l’ordre à Model de vous envoyer un régiment de chars Z. B. V., ce sont des durs je vous l’assure, ils feraient n’importe quoi. Je compte sur vous à cent pour cent, Choltitz, et il y a peu d’officiers supérieurs à qui je puisse tenir ce langage. J’espère bientôt vous voir en uniforme S. S. d’Obergruppenführer.
Au dîner, Choltitz fut placé à la droite de Himmler. La vieille argenterie provenait tout droit de la cour de Roumanie mais la nourriture était spartiate. On pelait à table les pommes de terre à l’eau et les visages des officiers présents révélaient clairement que le menu ne leur convenait qu’à moitié. Himmler décidait des convives qui devaient reprendre des plats. Un gros général de cavalerie qui n’avait droit qu’à une portion maudissait le jour où on l’avait retiré des marmites danoises
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