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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Séguin
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seule présence, il y fait sensation. Ses collègues le couvent du regard. Et les lorgnettes, depuis les tribunes, ne se braquent que vers lui.
    La validation de son élection dans l'Yonne est à l'ordre du jour. Le rapport, favorable, est adopté. Il se lève pour remercier de sa place, mais on le presse de monter à la tribune. Il s'exécute, sans enthousiasme, et lit un petit discours qu'on dira « modeste et convenable ». Exprimant sa gratitude à la République qui lui a rouvert sa patrie, il demande « à [ses] chers collègues de le recevoir avec l'affectueuse sympathie dont il [est] lui-même animé ».
    C'est tout. Il n'a pas produit grande impression. Mais il n'a rien fait pour cela. On dirait d'ailleurs qu'il cherche à passer inaperçu. Il vote le moins possible, ne parle à personne, se cantonne dans l'insignifiance et manifeste la plus grande indifférence pour le travail parlementaire. On note seulement — sans bienveillance — qu'il n'est jamais le dernier à aller toucher les 25 francs de son indemnité parlementaire.
    Thiers persiste à ne voir en lui qu'une sorte de minus habens. Proudhon est à peine plus indulgent, le présentant comme « bien intentionné, chevaleresque. Au demeurant génie médiocre ».
    Pourtant, il est craint, redouté, comme à son corps défendant. Et il va peser lourd, indirectement, dans les discussions en cours sur la forme à donner au pouvoir exécutif et les conditions de sa désignation.
    Beaucoup préféreraient un exécutif collégial. C'est le cas de Jules Grévy qui a proposé de confier le pouvoir exécutif au Conseil des ministres. La proposition a été repoussée. C'est qu'à l'époque on garde encore le mauvais souvenir des expériences, différentes certes mais également malheureuses, des comités de la Convention et du Directoire. Au reste, le fonctionnement du Gouvernement provisoire et de la Commission exécutive n'était pas de nature à apporter à la solution collégiale de quoi effacer cette historique et fâcheuse impression de désordre, de confusion, de surenchère, et d'irresponsabilité.
    Aussi, la commission de Constitution, où s'exerce l'influence de Barrot et de Tocqueville, s'oriente-t-elle vers la solution d'un exécutif fort, directement inspiré de celui des États-Unis. C'est un régime présidentiel à l'américaine qu'ils s'essayent à mettre sur pied. Mais les compromis auxquels il faut se résoudre conduisent à une esquisse pleine de contradictions et de germes de conflit.
    Le président ne peut dissoudre. Soit. Il est supposé responsable. Mais on ne sait au juste devant qui. Il a un pouvoir denomination et de révocation, mais l'Assemblée, dans ce domaine, exerce un pouvoir concurrent. Les ministres sont censés être d'abord les conseillers du président, mais il est prévu qu'ils puissent tenir conseil...
    Toutes ces contradictions sont vite occultées par un autre débat, singulièrement plus captivant. Celui du mode d'élection. L'alternative est simple : faire élire le président par l'Assemblée ou recourir au suffrage universel.
    Le choix spontané des constituants irait vers la première solution. Elle aurait l'immense avantage de prévenir tout risque d'« accident », et de porter sans grande difficulté à la magistrature suprême Cavaignac, qui, aux yeux de bien des modérés, offre toutes les qualités requises. Mais le schéma s'avère psychologiquement et politiquement impraticable.
    Toutes les oppositions, qu'elles soient républicaine, légitimiste, bonapartiste, ont fondé leur rejet de Louis-Philippe sur le fait qu'il ne devait son élévation qu'à deux cent vingt et un députés. Comment justifier — même si souvent, secrètement, on aimerait y parvenir — que le régime nouveau soit établi sur des bases identiques?
    C'est Lamartine qui va emporter la décision, dans un discours qui est probablement le meilleur de toute sa carrière. Un discours qu'on lui reprochera longtemps. Mais qui a au moins le mérite de l'honnêteté et de la cohérence. Qu'il y ait un risque d'élection de Louis Napoléon Bonaparte, Lamartine l'admet:
    « Je veux soulever, moi, autant qu'il est en moi, le poids secret qui pèse sur la pensée et la conscience de l'Assemblée Nationale et du public dans cette question...
    « Ce qui préoccupe en ce moment la pensée de l'Assemblée, c'est l'éventualité qu'un fanatisme posthume du pays ne se trompe de date, de temps, de jour... C'est la peur que cet éclat, si naturellement

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