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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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étendit ses peaux et empila les nattes d'herbe qui protégeaient les fourrures de la terre et des pierres du sol. Mais voilà qu'elle n'avait plus rien à faire.
    Au cours de ses précédentes visites, elle n'avait éprouvé aucune gêne, préparant la nourriture avec Chagak ou s'occupant de la petite sœur de Samig; mais quand Kiin avait proposé d'aider Chagak pour le repas, elle lui avait fait signe de s'asseoir. Demain, Kiin cuisinerait, coudrait, mais aujourd'hui était un jour à s'asseoir, parler et ne rien faire.
    Kiin ne pouvait se souvenir d'avoir disposé d'une journée à ne rien faire. Ses mains ne parvenaient pas à rester tranquilles ; ses doigts s'ouvraient et se fermaient sans relâche jusqu'à ce que, gênée d'agir en enfant plus qu'en épouse, elle fourre ses mains dans les poches de son suk et commence un jeu dans son esprit, qui consistait à nommer des baies — canneberge, groseille, camarine — puis des poissons — percoïde, hareng, flétan...
    Après avoir amené Kiin à l'ulaq, Amgigh et son père se rendirent dans l'une des chambres, à gauche de la pièce d'honneur, celle du fond, celle de Kayugh. Kiin percevait le murmure de leurs voix sans distinguer les paroles. Enfin, quand Kiin eut nommé tous les poissons du monde, toutes les baies de l'île, tous les habitants du village et tous les Chasseurs de Baleines qu'elle se rappelait, Kayugh reparut dans la salle commune. Il se tint un moment devant Kiin, lui sourit et déclara :
    — Mon fils sera un bon mari pour toi. La nourriture que nous avons est à toi. Les fourrures que nous avons sont à toi. Désormais, tu appartiens à cette famille. Je suis ton père et tu es ma fille.
    Kiin resta un instant assise, immobile. Elle regretta de n'avoir posé aucune question à sa mère au sujet du don des épouses. Nez Crochu lui avait parlé des façons des hommes et comment leur plaire, mais elle n'avait rien dit des cérémonies. Peut-être les paroles de Kayugh étaient-elles une simple politesse, mais elles pouvaient constituer un cérémonial auquel Kiin était supposée répondre.
    Finalement, elle demanda d'une voix douce :
    — S-s-s'agit-il d'une cérémonie?
    Elle n'osait lever les yeux sur Kayugh. Alors il prit doucement le menton de Kiin entre ses doigts et releva son visage afin qu'elle voie qu'il lui souriait.

— C'est un signe de bienvenue. Tout simplement.
    — M-m-merci, dit Kiin. Je-je serai une b-b-bonne épouse pour Amgigh. Je serai une bonne f-fille pour toi et pour Ch-Chagak.
    — Une sœur pour Mésange et Samig? demanda Kayugh, qui souriait toujours.
    — Oui, répondit Kiin en refusant de penser à la petite douleur qui se nichait sous sa poitrine depuis qu'elle avait vu Samig en sortant de chez son père.
    — Alors tu peux aider ta nouvelle mère à préparer la nourriture. Nous prévoyons un festin, ajouta Kayugh.
    Kiin se hâta de rejoindre Chagak mais celle-ci la stoppa.
    — Assieds-toi. Repose-toi. Profite de ce jour.
    — S'il te plaît, supplia Kiin dans un murmure.
    Chagak la regarda avec étonnement avant de
    répondre :
    — Oui, tu as raison. Il est parfois préférable d'avoir les mains occupées.
    Elle tendit à Kiin un panier d'œufs qui avaient été bouillis dans leur coquille puis refroidis. Kiin plaça le panier au centre de l'ulaq où le trou du toit laissait entrer la lumière, et entreprit d'éplucher les œufs. Chagak était la seule femme au village à les préparer ainsi et c'était un des plats préférés de Kiin. Une fois écalé, chaque œuf était tranché en quatre et chaque quartier trempé dans de l'huile de phoque. Chagak disposait en général les tranches sur une natte d'herbe en un motif partant du centre vers les bords en un grand cercle, comme les pétales d'une fleur jaune et blanc.
    La fleur de Kiin n'était pas aussi belle que celles de Chagak, mais Chagak claqua la langue en signe d'approbation et Kiin rosit de plaisir. Chagak avait dressé du flétan séché, du hareng frais frit dans de l'huile de phoque, et de fines tranches de viande qu'elle avait cuites sur des baguettes au-dessus d'un feu qui brûlait dehors. Il y avait un panier de tiges d'ugyuun pelées que l'on mangerait avec le poisson, ainsi que de la graisse d'oie mélangée avec des baies séchées.
    Chagak se rassit et sourit à Kiin.
    — Un festin, dit Chagak en repoussant ses cheveux de son front.
    Ses grands yeux en amande, ses lèvres pleines et son petit nez en faisaient une très belle femme.

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