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Ma soeur la lune

Ma soeur la lune

Titel: Ma soeur la lune Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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fils.
    Oiseau Gris bomba le torse, se pavana jusqu'au centre de l'ulaq et s'accroupit près de Kayugh.
    « Il croit qu'il a gagné, dit l'esprit de Kiin. Il croit qu'il l'a emporté sur Kayugh au jeu du marchandage. »
    Kayugh regarda Amgigh par-dessus le crâne d'Oiseau Gris et hocha la tête. Oiseau Gris se retourna et observa Amgigh libérer un couteau de son poignet gauche. Il posa le couteau sur sa paume et le tendit à Oiseau Gris, manche vers l'homme.
    — Mon fils fabrique des couteaux, dit Kayugh.
    Kiin vit le dos d'Oiseau Gris se redresser soudain.
    Les couteaux d'Amgigh étaient très prisés. Longues Dents disait qu'il n'en avait jamais connu de meilleurs. Ce couteau-ci possédait une lame courte, la taille idéale pour se glisser à l'intérieur d'un parka d'homme. La lame était noire, presque transparente aux bords, extraite d'une obsidienne d'Okmok. Le couteau était emmanché avec du boyau de phoque à un morceau d'ivoire parfaitement lisse, marbré de jaune et de blanc. L'extrémité du manche était assortie d'un bouchon d'ivoire de morse. Amgigh ôta le bouchon du manche et en sortit en le secouant trois gouges en os d'oiseau. Amgigh glissa les gouges dans le manche du couteau et remit en place le bouchon d'ivoire.
    Oiseau Gris sourit et tendit la main. Du doigt, il testa le tranchant et le leva à la lumière d'une lampe à huile. Il ôta le bouchon et examina les gouges.
    — Tu me rendras les quatre peaux dans... vingt jours ?
    — Oui, répondit Kayugh.
    — Prends-la, dit Oiseau Gris en s'avançant vers Kiin.
    Puis il tourna le dos à sa fille et aux hommes et tira les douze peaux achevées jusqu'à sa chambre.
    Kiin écarquilla les yeux. C'était fini. Si vite. Elle était là, debout, ne sachant ce qu'on attendait d'elle. Quand elle vit que Kayugh ne soufflait mot et qu'Amgigh ne bougeait pas, elle prit une vessie de phoque dans la cache aux réserves et, avec le plat de son couteau, elle y poussa la viande qu'elle avait pilée.
    Elle ramassa son panier à couture et son suk puis un des plus grands paniers de sa mère qu'elle remplit de ses cadeaux d'attribution de nom. Elle se hâta vers sa chambre afin de rassembler les nattes d'herbe et les fourrures qui servaient à dormir. Quand elle revint dans la pièce principale, elle vit qu'Amgigh l'attendait. Il prit les nattes et les couvertures et regarda Kiin enfiler son suk et s'emparer du panier. Puis, toujours sans un mot, Amgigh grimpa en premier sur le rondin. Kayugh était déjà au sommet de l'ulaq, les peaux non tannées roulées sous son bras.
    Le vent était fort et repoussait le panier de Kiin. Cependant, elle demeura un instant en haut de l'ulaq, observant Kayugh et Amgigh se diriger en haut du monticule de leur demeure. Kiin regarda en direction de la mer, écouta le grondement des vagues. Le ciel était gris, plus foncé au centre, plus clair là où ses extrémités rencontraient la limite lointaine de la mer. Même la plage était grise et les flaques laissées par la marée reflétaient le ciel.
    Puis elle vit Samig debout seul près de la zone cal-cinée qui marquait le lieu de sa cérémonie. Il lui tournait le dos mais il fit volte-face. Il leva lentement un bras, une main vers elle, doigts ouverts. Et, sans réfléchir, Kiin tendit une main ouverte vers lui.
    10
    Samig regardait Kiin suivre Amgigh jusqu'à l'ulaq de Kayugh. La colère oppressait sa poitrine, mais il ne savait trop s'il en voulait à Amgigh de prendre Kiin pour femme, à son père d'avoir négocié, ou à Kiin de marcher si aisément dans le sillage d'Amgigh, comme si elle était son épouse depuis toujours, comme si elle voulait Amgigh aussi fort que Samig la voulait.
    Tu es fou, se dit-il. Elle est en sécurité, maintenant, loin d'Oiseau Gris. Tu ne peux être son mari; tu vas partir vivre avec les Chasseurs de Baleines. Tu seras absent tout l'été, peut-être davantage. Préférerais-tu la savoir sans protection, battue et maltraitée dans l'ulaq de son père ?
    Pourtant, il demeura sur la plage. Le vent se tourna vers la nuit, froid et âpre, engourdissant ses mains, raidissant ses genoux. Il finit par rentrer, à pas lents comme un vieillard.
    Kiin caressa la dent de baleine qui pendait à son côté, puis plia les mains sur ses genoux. Chagak lui avait donné un coin de la grande pièce pour y ranger son panier à couture et ses réserves de tissage. Kayugh lui avait désigné la couche qui serait la sienne, proche du devant de l'ulaq. Là, Kiin

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