Madame de Montespan
l’on est tombé par les causes ci-dessus déduites. »
Et Duplessis effectuera un minutieux travail, qu’il achèvera par la formule suivante : « Sa Majesté, qui connaît Mme de Montespan jusqu’au fond de l’âme, ne se persuadera jamais qu’elle ait été capable de ces abominations. » Après lecture de cette consultation juridique, Colbert s’emploiera à rédiger un rapport confidentiel qu’il intitulera : Mémoire contre les faits calomnieux imputés à Mme de Montespan. C’est un long mémoire. Tous les points litigieux y sont étudiés à la loupe. À propos des Voisin, mère et fille, il écrira : « Pourquoi veut-on que la mère qui a eu le dernier et le plus sensible de tous les intérêts de dire la vérité, ne l’ait pas dite et qu’au contraire, la fille, qui a eu la plus puissante nécessité d’établir un mensonge, ne l’ait pas fait ? En mêlant Mme de Montespan à l’affaire, la fille Voisin prétendait associer à son procès et rendre inséparable de son jugement une dame dont le nom implorât les grâces. Le témoignage de cette prostituée est nul. Elle n’a rien dit de son vu ni de son su ; elle n’a allégué que des ouï-dire. »
À propos de la Filhastre qui avait laissé entendre qu’Athénaïs avait projeté d’empoisonner Mme de Fontanges, sa rivale éphémère, Colbert, sur conseil de Duplessis, écarte l’accusation d’un revers de la main : « fantasmes, fantaisies de visionnaire ! » Mais Gallet n’a-t-il pas avoué avoir fourni à la sorcière des aphrodisiaques et des poisons pour Mme de Montespan ? Cela ne tient pas, grogne le ministre. Si la Filhastre a cité le nom de la favorite au fabricant de poudre, c’est tout simplement pour l’impressionner et obtenir de lui les meilleures des mixtures.
On verra bientôt que Colbert avait raison, que la jolie Marie-Angélique de Fontanges mourra... de sa belle mort !
Et Guibourg ? N’a-t-il pas officié dans une masure de Saint-Denis sur le ventre de la Dame au visage camouflé ? Colbert remarque judicieusement que pour ce qui est de toutes ces messes noires aucun des accusés, et notamment l’abbé Guibourg, « n’est en mesure de citer franchement un nom, une date, un fait précis et vérifiable propres à étayer leurs propos ». Car enfin, conclut-il avec Duplessis, « il faut toujours revenir à ce point qu’il ne se trouve pas dans toute cette affaire une seule personne qui ait jamais parlé à Mme de Montespan ni qui puisse dire qu’elle ait traité avec elle directement ou indirectement ».
Reste le cas de Claude de Vin des OEillets. La des OEillets, femme de chambre de confiance de Mme de Montespan. Son nom fut souvent cité dans l’affaire : fait étrange, d’ailleurs, au lendemain de l’entrevue de Vincennes lors de laquelle Louvois rencontra longuement l’abbé Lesage.
Jamais, auparavant, la Voisin mère, même sous la question, n’avait prononcé son nom. En revanche, la fille Voisin, fidèle à la méthode que l’on a vue, l’accablera auprès de La Reynie.
— Mlle des OEillets est venue pendant deux ans au moins chez ma mère, elle prenait des poudres pour sa maîtresse !
Louvois est informé, il bondit aussitôt chez la femme de chambre et lui conseille de parler, d’avouer avant d’avoir à subir des interrogatoires... plus serrés.
Toujours cette habitude de mener son enquête parallèle et personnelle. Au terme de cette visite, il notera : « La des OEillets proteste avec une fermeté inconcevable et demande une confrontation avec tous ceux qui l’accusent. Sur sa vie, dit-elle, pas un ne la reconnaîtra ! »
« Louvois, écrit Maurice Rat dans une petite étude consacrée à la suivante d’Athénaïs, s’arrangea pour que la confrontation n’en fût pas une. Au lieu de présenter à la fille Voisin et aux autres prisonniers de Vincennes plusieurs personnes ensemble dont Mlle des OEillets, il la fit connaître seule. Ils n’eurent, dans ces conditions, aucune difficulté à la reconnaître et à la nommer. »
En fait, on imagine très bien la scène : les prisonniers qui sont réunis dans une salle du château, Louvois qui entre, suivi de la femme de chambre compromise, et qui demande :
— Reconnaissez-vous bien Mlle des OEillets ?
Frantz Funck-Brentano, dans son passionnant Drame des poisons (1902), écrira : « Louis XIV la fit enfermer, par lettre de cachet, pour le restant de ses jours, dans une solitude étroite.
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