Madame de Montespan
difficultés respiratoires. Le 7 du même mois, il est fiévreux : « Sa peau demeura chaude jusqu’au lendemain, ses yeux étincelants, son visage enflammé, sa bouche amère et sa tête pleine de vapeurs... »
Une bonne purge, une bonne dose d’esprit d’ammoniac, une autre d’essence de cannelle, et tout rentrera dans l’ordre.
Oui, on peut attribuer cette mauvaise santé de Louis Soleil au fait qu’il aurait ingurgité trop d’excitants. Oui, on peut accuser Mme de Montespan : elle est coupable d’avoir été amoureuse et d’avoir eu un grand tempérament !
Et le Roi sait bien que ce sont là les seuls griefs dont on peut l’accabler. Un jour, il estimera que la coupe est pleine. Quoi ? Athénaïs aurait trempé dans tous ces forfaits sans que lui, vivant avec elle, en ait jamais rien soupçonné ? Invraisemblable. Ce sont là des calomnies forgées de toutes pièces par une bande de scélérats menés de main de maître ! Mais il n’est pas question que l’affaire aille devant les juges, estime le Roi. Le seul soupçon salirait ignominieusement le nom de la mère des légitimés, le scandale éclabousserait les marches du trône ! Il faut que cela cesse ! Et cela cessa, le 30 septembre 1680. Ce jour-là, le Roi, on l’a vu, fit arrêter l’instruction. Quelques jours plus tôt il s’était rendu chez Athénaïs, elle s’était expliquée : « Cet éclaircissement a raffermi le Roi, enragea Mme de Maintenon. Mme de Montespan a d’abord pleuré, ensuite fait des reproches, enfin parlé avec hauteur. »
Donc, loin de courber la tête sous le poids des accusations, la favorite parle avec hauteur ! Une telle hardiesse ne peut vraiment s’expliquer que si elle est parvenue à se justifier d’une manière éclatante, de cette manière qui lui sied si bien.
Quatre questions encore, que pourraient bien se poser les détracteurs d’Athénaïs : en 1680, alors que le scandale est à son apogée, le Roi la choisit pour remplacer la comtesse de Soissons (Olympe Mancini) au poste de surintendante de la Maison de la Reine. Car Olympe s’était enfuie, elle avait, elle, réellement distillé le poison. Alors, Louis le Grand aurait-il naïvement remplacé une empoisonneuse par une autre ? Comme surintendante ? Lui aurait-il conféré cet honneur qui lui donnait la suprématie sur toutes les dames du palais ?
Le 10 novembre de cette même année 1680, alors que la Filhastre l’accable, Athénaïs reçoit du Roi une libéralité de 50 000 livres « pour gratification en considération de ses services ». Le Roi-Soleil aurait-il déposé une telle somme dans la main de sa maîtresse si cette main avait été couverte de sang ? En février de l’année suivante, alors qu’il y a grand bal à la cour, Athénaïs parade aux côtés de la vedette de la soirée qui n’est autre que Mlle de Nantes. Troisième question : peut-on concevoir que Louis XIV ait donné une telle fête en l’honneur de la fille d’une empoisonneuse ? Dernière question : en novembre 1681, quand la chambre ardente a repris ses séances, Sa Majesté légitime les deux derniers bâtards qu’elle a faits à Athénaïs, Mlle de Blois et le comte de Toulouse. « Aurait-il choisi pareil moment s’il se fut agi des enfants d’une horrible criminelle ? »
Le 14 mai précédent, le Roi-Soleil avait ordonné à La Reynie – que cela plaise ou non à Louvois – d’extraire de ses dossiers tous les documents relatifs « aux faits particuliers » (sic). Ainsi la chambre ardente pouvait-elle reprendre ses audiences et ses condamnations, retravailler les accusés. Ils étaient moins nombreux, déjà, car certains, pendant l’interruption du procès, étaient morts d’épuisement ou peut-être de vieillesse, et d’autres – dont la Trianon qui avait chargé Athénaïs – avaient préféré se suicider ! Geste qui fut considéré « comme un aveu patent et lourd de conséquences ».
On en pendit quelques-uns, on en brûla quelques autres jusqu’à ce que, le 21 juillet 1682, le Roi ferme définitivement la chambre de l’Arsenal.
En trois ans, comptabilise Jean-Christian Petitfils, la chambre avait tenu « deux cent dix séances, prononcé trois cent dix-neuf décrets de prise de corps, obtenu l’arrestation de cent quatre-vingt-quatorze personnes, rendu cent quatre jugements dont trente-six condamnations à mort, quatre condamnations aux galères, trente-quatre à des peines de bannissement ou
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