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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erckmann-Chatrian
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démarches demandent du temps…
Tranquillisez-vous, il reviendra.
    Ces paroles nous rassuraient un peu, car le
taupier semblait très calme ; il fumait sa pipe au coin du
fourneau, les jambes étendues et la mine rêveuse.
    Malheureusement le garde forestier Roedig, qui
demeurait dans les bois, sur le chemin de Pirmasens, où se
trouvaient alors les Français, vint apporter un rapport à la mairie
d’Anstatt, et, s’étant arrêté quelques instants à l’auberge de
Spick, il raconta que l’oncle Jacob avait passé, trois jours
auparavant, vers huit heures du matin, devant la maison forestière
et qu’il s’y était même arrêté un instant avec Mme Thérèse,
pour se réchauffer et boire un verre de vin. Il dit aussi que
l’oncle paraissait tout joyeux, et qu’il avait deux longs
kougelreiter
dans les poches de sa houppelande.
    Alors le bruit courut que le Dr Jacob, au lieu
de se rendre à Kaiserslautern, avait conduit la prisonnière chez
les Républicains, et ce fut un grand scandale ; Richter et
Spick criaient partout qu’il méritait d’être fusillé, que c’était
une abomination, et qu’il fallait confisquer ses biens.
    Le mauser et Koffel répondaient que le docteur
s’était sans doute trompé de chemin à cause des grandes neiges,
qu’il avait pris à gauche dans la montagne, au lieu de tourner à
droite, mais chacun savait bien que l’oncle Jacob connaissait le
pays comme pas un contrebandier, et l’indignation augmentait de
jour en jour.
    Je ne pouvais plus sortir sans entendre mes
camarades crier que l’oncle Jacob était un jacobin ; il me
fallait livrer bataille pour le défendre, et malgré le secours de
Scipio, je rentrai plus d’une fois à la maison le nez meurtri.
    Lisbeth se désolait surtout des bruits de
confiscation :
    – Quel malheur ! disait-elle les
mains jointes, quel malheur, à mon âge, d’être forcée de faire son
paquet et d’abandonner une maison où l’on a passé la moitié de sa
vie !
    C’était bien triste. Le mauser seul conservait
son air tranquille.
    – Vous êtes des fous de vous faire du
mauvais sang, disait-il ; je vous répète que le Dr Jacob se
porte bien et qu’on ne confisquera rien du tout. Tenez-vous en
paix, mangez bien, dormez bien, et pour le reste, j’en réponds.
    Il clignait de l’œil d’un air malin, et
finissait toujours par dire :
    – Mon livre raconte ces choses…
Maintenant elles s’accomplissent et tout va très bien.
    Malgré ces assurances, tout allait de mal en
pis, et la racaille du village, excitée par ce gueux de Richter,
commençait à venir crier sous nos fenêtres, lorsqu’un beau matin
tout rentra subitement dans l’ordre. Vers le soir le mauser arriva,
la mine riante, et prit sa place ordinaire en disant à Lisbeth qui
filait :
    – Eh bien, on ne crie plus, on ne veut
plus nous confisquer, on se tient bien tranquille, hé !
hé ! hé !
    Il n’en dit pas davantage, mais dans la nuit
nous entendîmes des voitures passer en foule, des gens marcher en
masse par la grande rue ; c’était pire qu’à l’arrivée des
Républicains, car personne ne s’arrêtait : on allait… on
allait toujours !
    Je ne pus dormir une minute, Scipio à chaque
instant grondait. Au petit jour, ayant regardé par nos vitres, je
vis encore une dizaine de grandes voitures chargées de blessés
s’éloigner en cahotant. C’étaient des Prussiens. Puis arrivèrent
deux ou trois canons, puis une centaine de hussards, de
cuirassiers, de dragons, pêle-mêle dans un grand désordre ;
puis des cavaliers démontés, leur portemanteau sur l’épaule et
couverts de boue jusqu’à l’échine. Tous ces hommes semblaient
harassés ; mais ils ne s’arrêtaient pas, ils n’entraient pas
dans les maisons, et marchaient comme s’ils avaient eu le diable à
leurs trousses.
    Les gens, sur le seuil de leur porte,
regardaient cela d’un air morne.
    En jetant les yeux sur la côte du Birkenwald,
on voyait la file des voitures, des caissons, de la cavalerie et de
l’infanterie se prolonger bien au-delà du bois.
    C’était l’armée du feld-maréchal Brunswick en
retraite après la bataille de Frœschwiller, comme nous l’avons
appris plus tard ; elle avait traversé le village dans une
seule nuit. Cela se passait du 28 au 29 décembre, et si je me le
rappelle si bien, c’est que le lendemain de bonne heure, le mauser
et Koffel arrivèrent tout joyeux, ils avaient une lettre de l’oncle
Jacob, et le mauser, en

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