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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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voix.
    On avait applaudi. On s’est esclaffé en montrant les chiens qui commençaient à arracher des lambeaux de chair à ce qu’il restait du corps de l’homme.
     
    J’ai entraîné Sélos. En posant ma main sur son épaule, j’ai constaté qu’il tremblait, puis je l’ai entendu murmurer :
    « Je suis chrétien, je suis chrétien ! »
    Je l’ai tiré par le bras pour qu’il marchât plus vite, qu’il ne cédât pas à la tentation, qui m’était apparue folle, de vouloir partager le sort de cet inconnu, peut-être chrétien, mais peut-être aussi bien juif, ou tout simplement étranger, phrygien, syrien ou égyptien, arrivé depuis peu d’Asie ou d’Orient et qui n’avait pas remarqué le temple de Jupiter, homme qu’on avait écartelé alors qu’il n’avait été que distrait.
    C’est ce que j’ai remontré à Sélos.
    Il a baissé la tête et répété :
    « Merci, maître. »
    Le ton de sa voix m’a irrité. Sa servilité m’humiliait. Me craignait-il à ce point ? Cet homme que j’avais cru capable, il y avait quelques instants, d’offrir sa vie au nom de sa foi, était redevenu un affranchi dont l’âme était restée celle d’un esclave, mon serviteur obéissant, celui qui choisissait les jeunes vierges sur l’estrade du marchand de Capoue et veillait à ce qu’elles fussent lavées et parfumées avant de les conduire jusqu’à ma couche.
    C’était cela, l’âme d’un homme : insaisissable, sinueuse, nouée, enroulée sur elle-même comme un serpent ?
    Qui pouvait se targuer de pouvoir la changer ?
     
    J’ai regardé les cyprès plantés de part et d’autre de la via Appia que je devais emprunter pour regagner, à partir de Capoue, ma demeure.
    J’ai imaginé entre leurs troncs les six mille croix que Crassus avaient dressées jadis pour y clouer les esclaves de Spartacus.
    J’avais lu et relu le récit de cette révolte servile, rédigé par mon ancêtre Gaius Fuscus Salinator au temps où César, d’un coup de glaive, éventrait la République pour que l’Empire vît le jour.
    Rien dans l’âme des hommes n’avait changé depuis ces années-là.
    « Tu voulais mourir ? », ai-je lancé à Sélos que j’avais fait monter dans ma litière.
    J’ai ricané.
    « Il sera bien temps. La mort vient toujours. »
    J’ai posé ma main sur sa nuque. Il s’était courbé encore davantage.
    « Et je peux même te la donner. Ou je peux, pour te faire apprécier la vie, t’offrir… »
    Je me suis penché et j’ai montré le chariot rempli de la dizaine d’esclaves que Sélos venait d’acheter pour mon compte.
    « Tu prendras celle que tu voudras. Je te laisse choisir avant moi et je ne te le reprocherai pas, je ne t’envierai pas. »
    Il n’a pas bronché.
    Était-ce cela, devenir disciple de Christos : vouloir mourir et refuser de jouir ?
     
    Je me suis emporté à la fois contre Sélos et contre moi qui retournais sans cesse dans ma tête ces pensées qui me blessaient.
    « Tu sais aussi bien que moi – mieux, peut-être, parce que tu es né esclave, dans la boue – ce que valent les hommes, qu’ils croient au Dieu unique ou aux divinités de Rome… »
    Je lui ai parlé de la révolte des Juifs de Cyrène alors que régnait l’empereur Trajan. Eux aussi croyaient au Dieu unique. Ils étaient, comme l’avait dit Eclectos, père et mère des chrétiens. Et Christos lui-même était né juif.
    Mais ils avaient tué, au nom de leur foi, des dizaines, des centaines de milliers de ceux qu’ils appelaient « païens », habitants de Cyrène, d’Égypte, de Chypre et même de Judée et de Galilée. Ils avaient écorché leurs victimes et, assurait-on, dévoré leur chair, noué autour de leur taille, comme des ceintures, les boyaux de ces païens. Et en souvenir de ce qu’ils avaient subi sous Vespasien et sous Titus, ils avaient contraint leurs prisonniers à combattre les uns contre les autres dans l’arène, à s’entretuer comme des gladiateurs. Ils avaient livré aux bêtes certains de ces païens parce que, par le passé, des milliers de Juifs avaient été ainsi immolés sur ordre de nos empereurs, de nos légats, de nos tribuns, quand les spectateurs grecs ou syriens venaient en foule assister à ces massacres, traquant jusque dans le désert ceux qui avaient tenté de fuir.
    Et ç’avait été le tour des Juifs de pourchasser, d’égorger leurs persécuteurs, voire même de scier ces malheureux, par le milieu du corps. Puis

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