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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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quand les soldats de l’empereur Trajan reconquirent la Cyrène, l’Égypte, toutes les villes où la révolte juive s’était répandue, ils se comportèrent à leur tour en bouchers. Le sang juif fut versé à si grands flots qu’il mit plusieurs jours à sécher, toute la population juive de ces régions étant exterminée. On laissa les corps pourrir afin de montrer à tous comment Rome châtiait ceux qui se rebellaient contre elle.
    « Et toi, Sélos, tu voudrais devancer ta mort alors qu’elle te guette à chaque instant ? Ce soir, choisis ton esclave. Prépare-la comme si elle m’était destinée ! »
    J’ai fermé les yeux. J’ai voulu oublier ces cyprès, ces croix, ces corps suppliciés – ceux des esclaves, des païens, des Grecs, des Juifs, des chrétiens.
    J’ai imaginé l’esclave que Sélos conduirait jusque dans ma chambre. J’ai senti son parfum. J’ai vu ses hanches. Ma bouche s’est emplie de salive à la pensée de ce que j’allais lui ordonner. Elle serait bientôt nue et s’avancerait vers moi, comme je le voulais, à quatre pattes, telle une chienne, une truie. Et je serais son maître.
    « Vis ! », ai-je commandé à Sélos.
    Je l’ai secoué pour l’arracher à ses pensées, à ce silence dans lequel il s’engloutissait depuis que nous avions quitté Capoue, au remords, peut-être, de ne pas avoir partagé le sort de l’étranger.
    « Je t’offre non seulement une esclave, mais aussi le meilleur de mes vins grecs, ai-je repris. Tu feras de l’esclave ce que bon te semblera. Tu boiras autant que tu le voudras, que tu le pourras. Mais peut-être vous autres chrétiens ne savez-vous plus ni vous accoupler ni boire ? »
    J’ai ri, mais il est resté silencieux.
    « Je n’exige pas de toi le récit de ta nuit, de ton plaisir et de ton ivresse, si tu t’y abandonnes. Tu me diras seulement si tu as encore envie de t’offrir en sacrifice à cette plèbe qui veut du sang, quel qu’il soit, juif ou chrétien, africain ou phrygien. Tu crois qu’elle pourchasse les chrétiens parce qu’ils sont les disciples de Christos ? ou parce qu’ils refusent de sacrifier aux dieux romains ? Les chrétiens ne sont qu’une espèce de gibier parmi d’autres. La plèbe tue parce qu’elle aime à tuer qui que ce soit. Et tu aspires à périr de ses mains ? Quel sens cela aurait-il ?
    — La mort est promesse, a dit Sélos en se redressant. Voilà ma foi. Voilà ce qu’il y a dans mon âme. »
     
    Je l’ai repoussé de moi aussi loin que je pouvais.
    J’ai même eu la tentation de le précipiter hors de ma litière.
    « Ton Dieu est mort sur la croix comme un esclave !, ai-je éructé. Et dix décennies avant lui, Crassus a crucifié ici même, le long de cette via Appia, six mille esclaves ! Ton Christos n’est qu’un mort de plus.
    Rien ne change dans l’âme des hommes, Sélos, rien ! »
    Il m’a enfin regardé dans les yeux : « Christos est ressuscité, Maître ! Il a changé l’âme du genre humain. Il a changé mon âme ! J’espère mourir pour renaître en Lui. »

 
     
18
    J’ai donc découvert l’attrait qu’exerçait la mort sur les plus purs parmi les disciples de Christos.
    J’ai été à la fois intrigué et effrayé par leurs propos.
    Sélos, que je harcelais de questions, m’a avoué que la vie lui pesait, même s’il accomplissait les tâches qu’elle exigeait de lui.
    « Je t’obéis, maître, me disait-il. Tu n’auras jamais à te plaindre de moi, mais je prie pour que Christos m’appelle.
    — La mort est souffrance ! », lui objectai-je.
    Il secoua la tête en souriant.
    « Vivre loin de Lui est une torture, un supplice bien plus grand que tous ceux que l’on peut m’infliger.
    — On te crucifiera. On te livrera aux bêtes…
    — Écoute, maître, ce qu’a écrit Ignace, qui fut à Antioche l’évêque des chrétiens ; écoute, et tu sauras ce que je pense. »
    Il a fermé les yeux et scandé chaque mot d’une voix grave :
    « Laissez-moi être la pâture des bêtes grâce auxquelles il me sera donné de jouir de Dieu. »
    J’ai frissonné.
    Ce désir de mort, était-ce là le plus beau fruit du labour de Christos dans les âmes de ceux qui croyaient en lui ?
     
    Je m’étais autrefois rebellé contre les ultimes pensées de mon maître Marc Aurèle. Mais il n’aimait pas la mort, il ne l’espérait pas. Il acceptait le terme parce que c’était là faire preuve de sagesse. La vie n’était

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