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Marc-Aurèle

Marc-Aurèle

Titel: Marc-Aurèle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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évoquant le martyre qui l’attend :
    « Si Dieu me fait la grâce d’aller jusqu’au bout, j’espère que je vous embrasserai alors que j’appartiendrai à Christos.
    « L’affaire est bien entamée pourvu seulement que rien ne m’empêche d’atteindre le lot qui m’est échu. C’est de vous, à vrai dire, que viennent mes inquiétudes. Je crains que vous ne me sauviez de la mort.
    « Vous autres, vous ne risquez rien, mais moi, c’est Dieu que je perds si vous réussissez à me sauver.
    « Si vous ne dites rien, je rejoindrai Dieu ; si, au contraire, vous aimez ma chair, me voilà de nouveau rejeté dans la lutte.
    « Laissez-moi immoler pendant que l’autel est prêt !
    « Il est bon, en effet, de se coucher du monde en Dieu, pour se lever en Lui.
    « Je vous supplie donc de ne pas vous montrer, par votre bonté intempestive, mes pires ennemis.
    « Laissez-moi être la pâture des bêtes grâce auxquelles il me sera donné de jouir de Dieu.
    « Je suis le froment de Dieu.
    « Il faut que je sois moulu par les dents des bêtes pour que je sois trouvé pur pain de Christos !
    « Caressez plutôt ces bêtes afin qu’elles soient mon tombeau et qu’elles ne laissent rien subsister de mon corps, et que mes funérailles ne soient ainsi à la charge de personne.
    « C’est alors que je serai vraiment disciple de Christos, quand le monde ne verra plus mon corps.
    « Car rien de ce qui est apparent n’est bon.
    « Ce qu’on voit est temporaire ; ce qu’on ne voit pas est éternel.
    « Le christianisme n’est pas seulement œuvre de silence. Il devient une œuvre d’éclat quand il est haï du monde.
    « Je gagnerai, je vous l’assure, à me trouver en face des bêtes qui me sont préparées.
    « J’espère les rencontrer dans de bonnes dispositions.
    « Au besoin, je les flatterai de la main pour qu’elles me dévorent sur-le-champ et qu’elles ne fassent pas comme pour certains qu’elles ont craint de toucher. Que si elles y mettent du mauvais vouloir, je les forcerai !
    « Pardonnez-moi, je sais ce que je préfère.
    « C’est maintenant que je commence à être un vrai disciple.
    « Non, aucune puissance, ni visible ni invisible, ne m’empêchera de jouir de Christos.
    « Feu et croix, troupeaux de bêtes, dislocation des os, mutilation des membres, broiement de tout le corps, que tous les supplices du démon tombent sur moi pourvu que je jouisse de Christos !
    « Mon amour a été crucifié et il n’y a plus en moi d’ardeur pour la matière, il n’y a qu’une eau vive qui murmure au-dedans de moi et me dit : "Viens vers le Père !"
    « Je ne prends plus de plaisir à la nourriture corruptible ni aux joies de cette vie.
    « Je veux le pain de Dieu, ce pain de vie qui est la chair de Christos, fils de Dieu, né à la fin des temps de la race de David et d’Abraham.
    « Et je veux pour breuvage Son sang qui est l’Amour incorruptible, la Vie éternelle. »
     
    J’ai lu et relu cette lettre.
    J’ai répété comme une prière :
    « Je suis le froment de Dieu. Il faut que je sois moulu par les dents des bêtes, que je sois trouvé pur pain de Christos ! »
    Serai-je un jour emporté par cette foi ardente, mon corps et mon âme embrasés par ce désir du martyre, éprouvant cette même joie à la certitude que ma mort me fera m’unir à ce Christos et ressusciter dans une Vie éternelle ?
    J’ai eu peur de le vouloir. J’ai serré dans mes bras le corps d’une esclave, cette chair dont Marc Aurèle disait qu’elle n’était que « boue et sang, os, tissu de nerfs, de veines et d’artères », mais à laquelle je m’accrochais encore en croyant ainsi rester dans la vie.

 
     
20
    J’ai bu du vin âpre.
    J’ai voulu oublier la voix joyeuse et exaltée du chrétien marchant vers le martyre.
    J’ai exigé de l’esclave qu’elle me lèche le corps, qu’elle me caresse et imprègne ma peau d’huiles parfumées.
    Puis je l’ai repoussée et j’ai titubé sous le portique de la cour intérieure. J’ai dû m’appuyer des deux mains à l’une des colonnes de porphyre pour ne pas tomber aux pieds d’Eclectos.
    J’ai fermé les yeux, baissé la tête. Je ne voulais pas croiser son regard plein de compassion.
    « Tu sais bien, Julius Priscus, a-t-il murmuré, que la vie ne vaut rien si tu ne crois pas en la résurrection. Ce qu’on voit est temporaire, a écrit Ignace. Et ce qu’on ne voit pas est éternel. »
    J’étais ému aux

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