Marcel Tessier racontre notre histoire
Ce spectacle le peine. Il songe à s’exiler avec ses «Canadiens» pour les aider et les guider dans leur pays d’adoption.
UN VISIONNAIRE
Mais l’évêque de Montréal, M gr Bourget, intervient. Il confie au curé Labelle une cure plus riche, celle de Saint-Jérôme. De mai 1868 jusqu’à sa mort, en 1891, Saint-Jérôme restera le lieu d’ancrage du «roi du Nord». C’est là qu’il concevra son grand projet de colonisation, c’est de là qu’il le fera rayonner. «Il faut, dit-il, mettre des Canadiens à la place des pruches et des épinettes.» Comme l’a écrit Serge Laurin, il ressent profondément l’urgence de la situation, car il voit bien que l’élément anglo-protestant convoite ce territoire. Quand le curé Labelle parle de «son peuple», il n’emploie pas un terme limitatif. La colonisation du Nord, c’est une affaire nationale, pas seulement régionale. Il voit grand, il voit large. Entre 1869 et 1891, il fait 29 voyages dans les pays d’en haut et fonde 60 villages!
Saviez-vous que…
La première automobile à rouler à Montréal, au mois de novembre 1899, appartenait à Ucal-Henri Dandurand, un promoteur immobilier. C’était une Crest mobile fabriquée par la Motor Carriage Company de Boston. Elle pesait 400 livres. Dandurand posséda plus tard, en 1902, une De Dion-Bouton qui pesait 800 livres. Il était le fils de Rose Philipps-Dandurand, à la mémoire de qui fut baptisé le quartier de Rosemont. Un dénommé Henri-Émile Bourassa, qui avait été pendant huit mois l’hôte d’un pilote français, Louis Chevrolet, donna à son invité des ouvrages techniques sur l’automobile, ce qui permit à ce dernier de lancer sa première voiture en 1899.
On associe le curé Labelle à son fameux chemin de fer, son p’tit train du Nord. C’est que l’homme a vite compris que les Américains n’ont pas colonisé l’Ouest en charrette, mais en wagons. «Je sens que la province a besoin d’un chemin de fer dans le Nord et que nous ne devons reculer devant aucun sacrifice pour l’obtenir, écrit-il. L’émigration nous dévore, nos ressources restent inertes dans les entrailles de la terre, notre bois pourrit sur le sol. Allons-nous périr au milieu de l’abondance? Il nous faut l’industrie pour développer notre pays mais nous ne pouvons l’obtenir qu’en le sillonnant de chemins de fer.» Il obtiendra le sien. L’inauguration aura lieu à Saint-Jérôme le 9 octobre 1876.
UN POLITIQUE
Ce fumeur de pipe impénitent fait la conquête d’hommes influents. Ami de Chapleau, le chef conservateur, et de Mercier, le chef du Parti national, il essaie même de réconcilier ces deux grands ennemis politiques. Il s’allie aussi le journaliste Arthur Buies, qui l’épaule grâce à sa plume. Mais la réalisation de son grand rêve trouve sur sa route de gros obstacles. En effet, les politiciens et les magnats du chemin de fer comme les autorités ecclésiastiques misent sur sa réputation d’honnêteté et de générosité pour en tirer des profits. Même son nouvel évêque, M gr Fabre, s’opposera souvent à ses projets, dont celui de créer un diocèse pour le Nord.
Ce colosse de 6 pieds et de plus de 300 livres, dont la personnalité originale a séduit tant de monde, s’effondre après la défaite de la bataille du diocèse. Il est fait prélat en 1889, et démissionne de son poste de sous-ministre à l’Agriculture et à la Colonisation le 26 décembre 1890. Mercier refuse sa démission, mais le 4 janvier 1891, le «roi du Nord» meurt à Québec. La colonisation des Laurentides, si médiatisée, n’a pas été un succès en réalité. Le colon isolé et établi sur des terres pauvres deviendra plus nomade que sédentaire. Cependant, le curé Labelle aura réussi, avec d’autres, à atteindre son but premier: assurer une occupation des terres de la rive nord du Saint-Laurent par des Canadiens français et réduire ainsi le flot de l’émigration.
Aujourd’hui, le Nord a gagné ses galons comme région touristique extraordinaire: lacs, pentes de ski, golfs, hôtels, piste cyclable incomparable sur le tracé même du p’tit train du Nord! Que penserait le curé Labelle de son empire, aujourd’hui? Il m’arrive encore souvent, en foulant le sol de cette région, imaginant ce «chêne» se battant au milieu de sa forêt, de me le demander.
60 LE GRAND CHAPLEAU
S ir Joseph-Adolphe Chapleau occupe une place importante dans l’histoire du Québec. Tout comme
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