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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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rien à envier à celle des chats. Lorsqu’il pleuvait, rien de ce qui
impliquait une incursion à l’extérieur n’était jamais fait... et je ne parle
pas seulement des domestiques, mais de tout le monde.
    Les ministres d’Agayachi résidaient pour la plupart
dans le même palais que lui, mais ceux qui vivaient ailleurs restaient chez eux
dès qu’il pleuvait. Les jours de pluie, les places du marché étaient vides,
sans acheteurs ni commerçants. Le grand marché couvert lui-même n’échappait pas
à cette règle, car il eût fallu se mouiller pour l’atteindre. Je n’avais rien
changé à mes habitudes, mais je devais, ces jours-là, me déplacer à pied :
aucun palanquin n’était disponible, ni même un bateau. Bien que leurs
conducteurs soient accoutumés à vivre sur l’eau, la plupart du temps imprégnés
d’humidité, il n’était pas question pour eux de se laisser tremper par une eau
venue du ciel. Même les prostitués mâles évitaient de parader dans les rues.
    Mon assistant, le magistrat Fung, pratiquait aussi
cette excentricité. Par temps de pluie, non seulement je ne pouvais compter sur
sa visite, mais il ne se rendait pas davantage aux sessions du Cheng.
    — Pour quoi faire ? Il n’y aurait aucun
plaignant.
    Mon inquiétude quant au nombre de jours humides ainsi
bêtement perdus suscitait sa sympathie, et il considérait avec un léger
amusement cette particularité de ses concitoyens comme de lui-même, mais jamais
il ne songea à s’en départir. Il arriva que de toute une semaine, il est vrai
pluvieuse, je ne le vis pas. Indigné, je ne pus m’empêcher de m’emporter :
    — Comment voulez-vous que je fasse quoi que ce
soit avec un assistant utile seulement par beau temps ?
    Pour toute réponse, il s’assit, sortit une feuille,
des pinceaux, un bloc d’encre et se mit à calligraphier à mon intention un
caractère han.
    — Ce mot signifie « action urgente pas
encore accomplie », m’informa-t-il. Mais voyez, il est composé de deux
éléments. Celui-ci veut dire « stoppé », celui-là « par la
pluie ». Comment voulez-vous qu’un trait si pieusement conservé dans notre
langage ne se trouve pas enraciné dans nos âmes ?
    Heureusement, les jours cléments ne manquaient pas où
nous nous retrouvions assis dans mon jardin, lancés dans de grandes discussions
au sujet de ma mission et de sa propre magistrature. Je m’intéressais aux
coutumes et aux lois locales, mais à la manière dont il me les relatait, j’eus
la sensation qu’il s’en remettait le plus souvent, pour sa pratique judiciaire,
aux superstitions de son peuple et à ses propres caprices, fussent-ils les plus
arbitraires.
    — Par exemple, j’ai une cloche capable de
distinguer immanquablement un voleur au milieu d’honnêtes gens. Imaginez que
quelqu’un ait volé et que j’aie un groupe de suspects. Je n’ai qu’à leur
ordonner d’aller la toucher, dissimulée dans une pièce sombre et derrière un
rideau, non sans avoir bien expliqué au préalable que le contact de la main du
coupable suffira à faire résonner la cloche.
    — Et ça marche ? fis-je, sceptique.
    — Bien sûr que non. Mais j’ai pris soin d’enduire
la cloche d’une pellicule d’encre. L’épreuve achevée, j’examine les mains des
suspects. L’homme qui a les mains propres est le voleur ; c’est le seul
qui a eu peur de toucher la cloche.
    — Ingénieux ! murmurai-je, mot que je devais
souvent prononcer au cours de mon séjour à Manzi.
    — Oh, les jugements ne sont pas ce qu’il y a de
plus difficile. Les peines et les sentences, en revanche, requièrent la plus
grande ingéniosité. Supposez que je condamne ce voleur à porter le carcan dans
la cour de sa geôle. Il s’agit d’un lourd collier de bois qui ressemble aux
ancres de pierre, que l’on assujettit autour de son cou, et il doit rester
assis dans la cour tout le temps qu’il le porte afin de subir les quolibets et
les railleries des passants. Imaginez que j’aie jugé que son crime méritait cet
inconfort et cette humiliation pour une durée de deux mois. Je ne puis ignorer
que lui-même ou des membres de sa famille vont graisser la patte aux geôliers
afin que le carcan ne lui soit posé que lorsqu’ils sauront que je dois passer à
proximité de la cour. De sorte que si je veux être sûr qu’il subit bien la
peine méritée, c’est à six mois que je devrai le condamner.
    — Est-ce que..., commençai-je, hésitant,

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