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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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silence étonné. Ce n’était certes pas l’habitude de messire Bédard que de faire des santés pendant les banquets.
    — Madame la baronne, puisque vous nous honorez de votre présence, je vous demande comme un insigne honneur d’être la marraine de notre cloche que mon confrère, messire Robitaille, de Pointe-Olivier, viendra bénir.
    Cette dernière déclaration ne manquait pas d’audace.
    L’honneur d’être la marraine de la cloche revenait traditionnellement { la femme du seigneur. Mais en l’absence du seigneur - un protestant de surcroît - messire Bédard outre-passait le privilège pour l’ofïrir { la baronne Grant, plusieurs fois seigneuresse et bonne catholique, bien entendu.
    Les applaudissements fusèrent à nouveau, approuvant la décision du curé. Puis, la maîtresse de maison enjoignit ses invités à entamer leur repas en plongeant sa cuillère dans le potage fumant. Les conversations reprirent jusqu’au service suivant, fait d’une poule bouillie et d’une oie rôtie, accompagnées de purée de pois vert et de carottes. Augustin remplissait les verres de vin rouge ou blanc, selon les préférences de chaque convive. Il y avait même de l’excellent cidre de pommes grises pour les amateurs, qu’il tenait au frais dans la laiterie de pierres.
    Lorsqu’on débarrassa, la baronne profita de la pause avant l’arrivée du service suivant pour déclarer, debout, le verre à la main :
    — Monsieur Boileau, madame de Garnies de Falaise, chers hôtes, merci et longue santé.
    Puis, elle se retourna vers le curé.
    — Messire Bédard, j’accepte avec plaisir votre proposition.
    A ces mots, le curé bondit de sa chaise.
    — A la marraine de notre future cloche, la très noble baronne de Longueuil, s’exclama-t-il pendant que les convives manifestaient bruyamment leur joie.
    La baronne devenait la messagère de l’espoir. C’était comme un soleil radieux qui chassait les sombres nuages de ces mois d’affliction. Sans compter que la chaleur, la bonne chère et la douceur du vin commençaient à produire leurs effets. Avant de se rassoir, elle annonça au curé.
    — A titre de marraine, je donne cent livres pour vos pauvres.
    Et tous de l’acclamer { nouveau. La somme était énorme.
    Le curé était ému par tant de générosité.
    — Madame de Longueuil, remercia-t-il en lui donnant son nom français, plus d’une fois on m’a vanté votre grande compassion envers les plus démunis d’entre nous. Mais on était encore sous la vérité. Comment vous remercier ?
    — Faites dire quelques grands-messes pour le repos de mon âme lorsque je ne serai plus, répondit avec modestie
    • cette grande dame qui avait dépassé la cinquantaine.
    — Je le noterai dès ce soir dans le livre de la fabrique, fit le curé, en bafouillant. Les paroissiens de Chambly, reconnaissants, n’y manqueront pas, madame la baronne, lorsqu’il sera temps.
    Françoise et Joseph Bresse, ainsi que le docteur Talham, étaient coincés entre les deux demoiselles Baby, jeunes filles silencieuses aux visages poupins encadrés de bouclettes serrées avec qui il était bien difficile de tenir une conversation. Joseph Bresse comptait sur l’aide de sa femme, assise devant lui, espérant que cette dernière puisse s’entretenir de quelques propos féminins avec les timides demoiselles. Mais Françoise observait plutôt le docteur Talham qui faisait de même avec son épouse, assise { l’autre bout de la table.
    Alexandre avait en effet remarqué l’air étrange de Marguerite. En ce moment, elle ressemblait à la jeune fille effarouchée qu’il avait épousée. Elle qui se faisait une joie de cette fête ne s’amusait pas du tout. « Elle s’inquiète sans doute des enfants. »

    Plus d’une fois, en effet, Marguerite s’était levée de table prétextant qu’il fallait nourrir Eugène qui réclamait son dû ou simplement voir si tout allait bien. L’enfant dormait calmement dans son couffin posé au pied d’un arbre, indifférent aux cris et aux rires joyeux. Mais sa mère n’avait pas d’appétit. Elle qui aimait tant la salade { la crème ne s’en était même pas servi. Elle avait goûté du bout des lèvres au bœuf en ragoût et { l’oie, puis avait chipoté quelques-uns des légumes qui s’étaient retrouvés dans son assiette.
    Depuis qu’Ovide de Rouville était revenu vivre à Chambly, Marguerite avait usé de toutes les tactiques possibles pour l’éviter, ce qui n’était pas

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