Marilyn, le dernier secret
Wolfe et Summers. Les confessions de celui que l'on présentait comme un éléphant du Parti démocrate ne manquaient pas de poids.
À l'en croire, son statut politique lui avait permis non seulement d'apprendre l'existence d'une idylle entre Marilyn et JFK, mais encore que Jackie n'ignorait pas la romance. Mieux, il confirmait la présence de Robert F. Kennedy à Los Angeles. Une certitude fondée, reconnaissait-il, sur une confidence du chef du LAPD, William Parker. Ce dernier, décédé en 1966, aurait déclaré à Yorty que Bobby était arrivé au Beverly Hills Hotel dans l'après-midi du 4 août 1962. Et que, de là, il aurait multiplié les allers-retours vers le 12305 Fifth Helena Drive.
Un esprit critique remarquerait d'emblée que la faiblesse principale du récit de Yorty tient au fait qu'il citait un personnage mort. Un homme qui, de son vivant, n'avait jamais exprimé ses doutes sur ce dossier ni rapporté à ses proches ou sa famille le séjour de RFK au Beverly Hills Hotel .
En vérité, comme dans le cas du sergent Jack Clemmons, c'était surtout le parcours de Sam Yorty qui affaiblissait grandement son récit.
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En fait, en mal de reconnaissance, Yorty n'avait jamais été un ténor du Parti démocrate. Bien au contraire, le parti des Kennedy ayant tout entrepris pour empêcher ce candidat d'utiliser leur étiquette lors de sa première campagne. Finalement, à cause de complexes raisons de droit, Yorty avait pu maintenir le « D » à côté de son nom, s'assurant dès lors le vote des minorités noires et hispaniques. Une imposture, puisqu'il roulait surtout pour Richard Nixon, un proche, et avait quelques amis au sein du crime organisé de Los Angeles. De fait, en 1973, il quitta le Parti démocrate et rejoignit officiellement l'adversaire républicain.
Par ailleurs, le maire de Los Angeles ne cachait pas son animosité envers Robert Kennedy. Une aversion à vrai dire réciproque puisque Bobby ne lui avait jamais pardonné son soutien à Nixon en 1960 dans cet État clef, trahison qui avait failli coûter la présidence à JFK. Pis, RFK tenait Yorty pour responsable des conditions de vie désastreuses de la communauté afro-américaine du quartier de Watts qui avaient entraîné de terribles émeutes, et n'avait cessé, entre 1966 et 1968, de condamner sa politique ouvertement ségrégationniste au Sénat [1] .
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Afin de mesurer la violence de cette haine réciproque, il faut se plonger dans la journée du 5 juin 1968, date de l'assassinat de Bobby.
La veille, sillonnant Los Angeles pour décrocher une victoire essentielle dans sa course à l'investiture pour la présidentielle de novembre, RFK avait été reçu à la mairie. Où le maire, bien que détestant sa candidature, lui avait symboliquement offert les clés de la ville.
Mordant, l'ancien Attorney General lui lança immédiatement en recevant le cadeau : « J'imagine que vous avez dû faire changer toutes les serrures [2] . »
Il continua dans le même esprit dans la courte introduction de ce qui devint son dernier discours [3] : « Le maire Yorty m'a envoyé un message m'expliquant que nous sommes déjà restés ici trop longtemps. » Il ne croyait pas si bien dire.
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L'homme qui assurait avoir reçu, en confidence, la confirmation d'une présence de RFK à Los Angeles se comptait donc une fois encore dans les rangs de ses ennemis.
Le récit de Yorty cumulait même tous les travers des pseudo- révélations parasitant la mort de Marilyn. Quand il ne s'agissait pas de faire parler de soi, de récolter une poignée de dollars, c'était la passion du règlement de comptes et l'occasion de salir la mémoire d'un adversaire qui l'emportaient.
Sam Yorty, comme tant d'autres, avait rejoint ce que l'expert David Marshall nomme le « train des anti-Bobby ». Un convoi créé par Frank Capell, propulsé par Mailer, Slatzer, Wolfe et les autres, et qui ne risquait pas de dérailler tant son itinéraire était jonché d'or et sa destination fort loin de la station la vérité.
1 -
Les violentes émeutes de 1965, son peu d'intérêt affiché pour les actions sociales, l'état général des services publics de la ville, l'abandon des transports en commun, le sous-financement du LAPD et son soutien permanent à une politique de discrimination valurent à Yorty de figurer dans la liste des maires les plus incapables des États-Unis. In The American Mayor : The Best and Worst Big-City Leaders, Melvin G. Holli, Penn State
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