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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Henri Sanson
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invoquais une mémoire que, depuis deux années, ta conduite outrage.  
    — Ne parlez pas ainsi. Hélène est innocente, encore une fois je vous le jure ! Je vous dirai tout, mon père.  
    — Innocente, fit la voix glapissante de. la Verdier ; elle le serait sans toi, misérable ; c’est toi qui l’as perdue, la malheureuse.  
    Le vieux Louschart répéta d’une voix lugubre :
    — Misérable !  
    — Mon père, je vous ai offensé par ma résistance, en opposant ma foi à votre foi, mes convictions à vos croyances. Je vous en demande pardon, repentant et humilié. J’abjurerai mes sentiments les plus chers, je renierai ce que me dit ma raison, je deviendrai le docile esclave de votre volonté ; mais, à votre tour, ne repoussez pas ma prière ; croyez-moi, lorsque je vous atteste son innocence, lorsque je jure qu’elle n’a pas cessé d’être digne de vous.  
    — Ah ! s’écria le maréchal avec un ricanement sauvage, c’est pour elle que tu te décideras, à t’amender. Tu l’aimes donc bien, ma future, hein, Jean-Louis ?.  
    Le jeune homme fit un geste de désespoir.
    — Misérable ! répéta le vieux Louschart dont le visage, jusqu’alors d’une pâleur livide, s’empourprait de plus en plus.  
    Sous l’impression des injures et des reproches qu’il se croyait si loin d’avoir mérités, Jean-Louis s’animait à son tour ; il avait relevé la tête, et ses regards soutenaient les regards furibonds de son père.
    — Oui, misérable ! dit une troisième fois le maréchal-ferrant qui avait remarqué l’indignation contenue que cette épithète soulevait chez son fils. Misérable ! c’est le nom que, nous autres honnêtes gens, nous avons le droit de jeter aux renégats.  
    — Qu’ai-je donc renié, mon père ? répondit Jean-Louis avec un geste d’impatience.  
    — Moi, moi ! qui devais être ta religion et ton Dieu, si tu te sentais la tentation de renoncer les autres. Ah ! reprit-il comme s’il se parlait à lui-même, moi qui étais si joyeux le jour où tout petit je l’ai reçu dans mes mains. Moi qui l’élevais avec, un cœur si content et si fier ; moi qui l’aimais comme on aime un unique trésor, et qui me disais : Ce sera bientôt mon tour d’être l’unique trésor de mon enfant. Vieux fou ! vieux fou !
    Jean-Louis voulut l’interrompre, mais le vieillard, en proie à une exaltation toujours croissante, ne le laissa pas parler.
    — Ah ! continua-t-il, le cheval dont j’habille le sabot est plus reconnaissant que l’enfant ne l’a été ; il ne rue que si je le blesse, et l’enfant que j’ai tant choyé m’a mordu. Ma foi dans le Dieu qui avait fait de moi un honnête artisan, il l’a traitée de faiblesse, et cette faiblesse, il a été assez lâche pour ne pas la respecter dans son père. Ma vénération pour mon roi, il appelait cela de la folie, et il n’a pas eu pitié de la folie de celui à qui il devait tout. Il a mêlé mon nom au nom de ceux qui blasphèment et qui conspirent. Il s’est couvert de tant d’opprobre que j’ai eu honte de sa honte, et que je suis devenu plus humble qu’un gueux, moi qui avais tant de raison d’être fier, lorsque j’ai appris qu’un Louschart était l’ami du plus vil des scélérats qui préparent notre malheur et notre ruine.
    — Mon père, s’écria Jean-Louis, abreuvez-moi d’injures, mais n’insultez pas un homme  
    — Insulter Lecointre, s’écria le vieillard dans un éclat de rire, insulter Judas !
    — M. Lecointre est un honnête homme, dit Jean-Louis d’une voix forte.  
    — Un honnête homme comme toi, qui ne demande qu’à mordre la main qui le nourrit. S’il était là, ton Lecointre, je lui cracherais comme à toi à la face.
    Et le vieux Louschart cracha au visage de son fils.
    Depuis le commencement de cette horrible scène, la Verdier avait abandonné sa fille ; celle-ci avait peu à peu repris ses sens.
    Hélène, trop faible pour se relever, était assise, appuyée contre la muraille de l’allée ; elle cachait son visage dans ses mains, et on entendait un douloureux, gémissement s’exhaler de sa poitrine.
    La mère s’était rapprochée du maréchal-ferrant et, les poings sur les hanches, elle attisait par ses exclamations, cette colère folle qui avait si peu besoin d’être excitée.
    Elle accueillit d’un ricanement railleur, l’outrage sanglant que le père venait d’infliger à son fils.
    Jean-Louis était resté muet, anéanti ;

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