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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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viande, la peau et l'huile. J'ai vécu avec le Peuple Morse. Ma fille est femme d'un chaman Morse. Je sais comment ils chassent, je sais ce qui honore un morse. Je vous ai procuré de la viande et vous m'accusez de porter malheur. La malédiction qui est sur vous émane de Samig. Vous croyez qu'elle va disparaître ? Vous dites que son esprit prendra le chemin de tous les esprits — vers les Lumières Dansantes ? Vous ne savez rien, et quand quelqu'un vient vous aider, vous le renvoyez.
    Des murmures s'élevèrent. Dans un coin de l'ulaq, le frère et le père de Pieds Rouges tempêtèrent de rage. Dans un autre, Oiseau Crochu, époux de Panier Moucheté, leva les mains, suppliant qu'on les comprenne. Mais Waxtal leur tourna le dos et sortit. Une fois sur le toit, il leur lança :
    — Vous n'avez pas besoin de vivre avec cette malédiction. Vous savez comment la lever. Je vous ai donné les morses sans rien demander en échange. Pourtant, quand un de vos chasseurs brise un tabou, vous me reprochez sa mort. Je ne donnerai rien de plus.
    » Décidez de ce que vous avez à troquer. Si c'est une bonne transaction, je vous dirai comment vous débarrasser du mauvais sort.
    Il leva une main et la tendit vers le père de Pieds Rouges.
    — Décidez-vous maintenant, ajouta Waxtal, avant qu'il n'y ait plus un homme dans ce village.
    Cette nuit-là, Kukutux le vit dans son sommeil, grand et roulant sur les vagues. Elle s'éveilla en sursaut. La vision portait la plénitude de la vie, mais elle n'était pas sûre. Un autre homme, mort ?
    Elle se dressa sur son séant et secoua la tête.
    — Ce n'était pas un homme, murmura-t-elle, luttant pour retrouver les images qui avaient empli son esprit.
    Non, quel homme avait la forme d'un poisson ? Quel homme avait la couleur des canneberges des montagnes ?
    Elle se rallongea et tourna la joue sur la fourrure de phoque qu'elle avait disposée sous sa tête. Elle tapota la lance près d'elle.
    Tu es en sécurité, se dit-elle. Rendors-toi.
    59
    Après son rêve, Kukutux se révéla incapable de s'éloigner de la mer. C'était comme si une voix l'appelait. Et la douleur qui l'accompagnait depuis la mort de son mari et de son fils semblait s'accroître.
    — Pourquoi es-tu là, se demandait-elle, remuant la tête afin que les mots s'échappent avec le vent, hors de portée de l'oreille des hommes accroupis à l'abri des casiers d'ikyan et des femmes qui pataugeaient dans les mares à la recherche de chitons. Pourquoi es-tu là quand il y a tant à faire dans ton ikyak.
    Elle se souvint alors de la bruyère de camarine qui poussait rapidement sur les collines pendant les longues journées d'été. Le moment était venu de jeter celle qui jonchait le sol pour la remplacer par de la fraîche. Elle songea aux poissons qu'elle pouvait attraper, au suk qu'elle cousait. Elle longerait la plage, ramasserait des chitons sur les rochers éloignés, se tiendrait à l'écart des vieilles femmes et des enfants regroupés. Peut-être même dénicherait-elle quelques oursins oubliés par les loutres grouillant désormais dans les nids de varech juste au-delà du rivage.
    Pourtant, quelque chose la poussait à rester sur la plage. Elle observait, comme si elle voyait au-delà des eaux et du ciel pour comprendre le rêve qui lui avait été donné.
    Elle s'obligea finalement à faire demi-tour et à rentrer chez elle. Cela faisait maintenant quatre jours que Roc Dur et Phoque Mourant avaient ramené Pieds Rouges au village, quatre jours de deuil. Ils avaient célébré les funérailles, empilé des pierres sur Pieds Rouges et ce qu'il restait de son ikyak, mais les chasseurs continuaient de chuchoter comme s'ils craignaient d'attirer l'attention des esprits. Après tout, l'un d'eux serait peut-être la prochaine victime.
    Les femmes suivaient leurs époux, la peur dans les yeux, trouvant maintes excuses pour observer la plage et la mer depuis le toit des ulas, même dans le froid, même dans le vent, comme si le simple fait de scruter l'horizon suffirait à éloigner les esprits mortifères.
    Peut-être est-ce seulement leur peur, leur inquiétude, qui me conduit sur cette plage, se dit Kukutux.
    L'image de son rêve revint — quelque chose de rouge dans la mer. Un corps d'homme ? Un autre Chasseur de Baleines tué ? Une voix tracassière envahit son esprit, se rebellant contre des frayeurs trop profondes pour que des mots puissent en rendre compte.
    Au sommet de l'ulaq, Waxtal s'étira en

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