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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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Chasseurs de Morses et les jambières en peau de caribou.
    — Non, j'appartiens aux Premiers Hommes. Je suis Kiin, des Traqueurs de Phoques.
    La femme essaya de répondre mais ne réussit pas à prononcer le moindre mot tant elle riait. Kiin, avec Shuku bien au chaud au creux de ses bras, sentit aussi le rire l'envahir, si bien que ni l'une ni l'autre ne put parler pendant un moment, leurs rires les unissant dans la joie.
    Ils sont Ugyuun, se dit Kiin assise avec Petite Plante et les six autres femmes arrivées dans l'ulaq. Chacune avait les cheveux sales et emmêlés de cette tribu-là. Même leur peau avait une odeur vieille et âcre.
    Cette certitude s'accompagna pour Kiin d'une lourdeur dans la poitrine. Pourtant, elle roula ses jambières, examina les égratignures et les coupures sur ses tibias et sur ses pieds. Elles allaient beaucoup mieux et les lignes rouges qui remontaient de ses blessures pour porter leur poison au cœur avaient disparu.
    « Ainsi, chuchota sa voix d'esprit, ce sont des Ugyuun. Tu vois la bienveillance dans leurs yeux ; tu entends leur rire quand ils se parlent des petites choses de la vie. Que t'importe le nom de leur village ? C'est un bon peuple. »
    Et Kiin hocha la tête. Qu'est-ce qui importait le plus ? La propreté d'un suk de femme ou ce qu'elle portait dans son cœur ?
    — Six jours tu as dormi, dit une vieille femme. Six jours ; ma fille, ici, a veillé sur toi et a nourri ton bébé, tu en étais incapable.
    Kiin regarda Petite Plante.
    — J'ai dormi six jours ?
    Le doux sourire de Petite Plante lui montra qu'elle ne gardait nul ressentiment de tout ce temps que Kiin lui avait pris.
    — Six jours, répéta la vieille femme en hochant la tête à plusieurs reprises.
    C'était un geste que les femmes Ugyuun paraissaient accomplir à chaque fois qu'elles voulaient impressionner Kiin avec la vérité de leurs paroles.
    — Parfois, cependant, tu semblais éveillée, intervint Petite Plante. Tu parlais en langue Morse et tu appelais souvent ton fils. Son nom est Shuku ?
    — Oui.
    — Qu'est-il arrivé à tes pieds et à tes jambes ?
    Kiin croisa les bras sur Shuku assis dans le cercle de ses jambes. Il observait les femmes Ugyuun, se tournant parfois vers Kiin avec des yeux noirs et sérieux.
    — Je suis tombée d'une falaise, expliqua Kiin. Je ramassais des œufs.
    — Oui, dit Petite Plante. Mon époux Aigle vous a trouvés sur la plage aux oiseaux. Toi et ton fils.
    — Tu n'as pas mis de feuilles de canneberge sur tes jambes ? s'étonna une vieille femme qui secoua la tête et claqua la langue en signe de désapprobation. Il y a de la canneberge dans les montagnes.
    — C'est vrai, concéda Kiin en affrontant le regard de la vieille femme. Mais mes pensées étaient ailleurs.
    — Étais-tu seule sur cette plage ? demanda une autre.
    Puis les autres, les quatre assises avec Petite Plante et les deux qui se tenaient debout, bras croisés, toutes se mirent à l'abreuver de questions, élevant la voix jusqu'au moment où l'une d'elles, debout dans le fond, s'écria :
    — Du calme ! Nous sommes pires que des guille-mots sur leurs œufs !
    Kiin crut la reconnaître — son nez anguleux — de l'époque lointaine où Kiin et son frère Qakan étaient déjà venus dans ce village Ugyuun, avant que Qakan ne vende Kiin au Corbeau. Un frisson de malaise l'ébranla, mais son esprit lui murmura : « Elle ne se souviendra pas de toi. Tu as changé. Tu es méconnaissable. »
    Kiin releva donc la tête pour laisser ses yeux briller de la force acquise par les prières, les chants et la vie. Elle rit au rythme des rires des femmes Ugyuuns et attendit la question suivante.
    La vieille femme reprit la parole :
    — Petite Plante dit que ton nom est Kiin. Est-ce le nom que tu t'es choisi ou bien t'a-t-il été donné par ton père ?
    — Par mon père.
    — Pourquoi un père appellerait-il sa fille d'un tel nom ? s'étonna quelqu'un.
    Kiin serra les lèvres et sentit son visage rougir. Oui, quel père appellerait sa fille Kiin — « Qui », négation de son existence ?
    Kiin posa les yeux sur la femme.
    — Il voulait un fils, répondit-elle sans ajouter mot — rien sur les raclées, sur les années vécues en étant persuadée qu'elle n'avait pas d'âme, où elle ne pouvait parler sans bégayer.
    Plusieurs femmes hochèrent la tête puis l'une d'elles demanda :
    — Où est ton mari ?
    — Non loin d'ici. Sur la plage des Commerçants.
    — Pourquoi portes-tu des

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