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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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embarcations lancées au-delà du ressac, Kiin eut l'impression que ses yeux se voi-laient, ses pensées s'accrochèrent aux chants de pagaie que chantait Aigle. A chaque coup de rame, Kiin se disait qu'elle se rapprochait de Samig et de Takha, moyennant quoi elle parvenait à rester éveillée.
    Ils progressèrent lentement, s'arrêtant tôt et repartant tard. Au fil des jours, Kiin bouillait d'impatience. La fin du troisième jour approchait quand ils parvinrent à l'embouchure de la plage des Commerçants. Si elle avait été seule, Kiin aurait continué jusqu'au village même dans l'obscurité, mais Aigle parla de repos, de la nécessité d'attendre, de passer une nuit au calme afin de se préparer aux retrouvailles avec mari et enfant.
    — Tu auras besoin d'avoir les idées claires au matin, expliqua Aigle. Et de beaucoup de patience pour répondre à beaucoup de questions.
    Kiin approuvait, mais une voix en elle murmura : « L'homme a-t-il peur ? Croit-il que Samig le défiera au couteau ou à la lance à cause de la perte de Shuku ? » Autre interrogation plus troublante encore : « Crois-tu que le Corbeau sera là ? »
    Non, se dit Kiin. S'il était venu revendiquer Takha ou défier Samig, le combat serait achevé. Le Corbeau serait déjà rentré chez lui. Il n'y aura personne sur cette plage hormis mon peuple, mon père et ma mère, mon mari et son épouse Trois Poissons. Mon fils Takha.
    Au cours du périple qui la ramenait du village Ugyuun, Kiin avait essayé de ne pas penser à ses fils, mais au fur et à mesure qu'elle approchait de la plage des Commerçants, elle ne pouvait s'empêcher de songer à Takha. Elle le voyait bébé, comme s'il n'avait pas grandi depuis qu'elle l'avait laissé. Du coup elle se demanda s'il était vivant. Était-il dans les Lumières Dansantes, encore nourrisson, ne grandissant plus comme un enfant grandit sur terre ?
    Et s'il était en vie, que diraient Samig et Trois Poissons à propos de Shuku ? S'ils avaient maintenu Takha bien vigoureux pour elle, que penserait Samig en s'aper-cevant qu'elle avait perdu Shuku au profit du Corbeau ?
    La nuit fut interminable et Kiin, cette fois encore, ne trouva pas le sommeil, ses pensées, semblables à celles d'une femme en train de rêver, mêlant ensemble tous les morceaux de sa vie. Mais quand la première lumière du soleil parut après cette courte nuit, une fois que Petite Plante et elle se retrouvèrent dans l'ik, Kiin se sentit de nouveau déterminée — plus forte que jamais depuis sa chute dans la falaise aux oiseaux.
    Pourquoi de si terribles pensées ? se demanda-t-elle. Pourquoi ne pas croire que Samig et Trois Poissons seront heureux de me voir, qu'ils m'aideront à reprendre Shuku ? Alors Kiin pagaya de toutes ses forces. Un chant flottait sur ses lèvres, maintenant le rythme de ses bras jusqu'au moment où elle aperçut le premier nuage de fumée montant des ulas. Elle renifla l'huile de phoque qui brûlait et leva enfin sa pagaie pour en pointer le bout en direction des monticules à peine visibles depuis la baie.
    — Le village.
    Elle mit toute sa force dans son regard, scrutant la plage et les ulas. Il y avait quelqu'un là-bas, près de l'eau, un homme avec une lance et un projecteur dans la main.
    Elle observa longtemps et, avant de s'en rendre compte, elle avait crié à Petite Plante :
    — Samig ! C'est Samig !
    Les mots étaient autant de cris de joie qui montaient de son cœur, comme une lumière chaude et brillante.
    Kiin se pencha en avant, pressa ses pieds contre le fond de l'ik, comme si cela accélérerait les choses. Elle éleva la voix et appela :
    — Samig ! Samig ! Samig !
    77
    Premiers Hommes
    Baie de Herendeen, péninsule d'Alaska
    Lentement, très lentement, Samig se retourna. Il leva une main pour se protéger les yeux et demeura parfaitement immobile, comme s'il était devenu une sculpture issue du couteau de Kiin. Puis il hurla le nom de Kiin. Lâchant sa lance, arrachant le projecteur de sa main, il courut dans l'eau.
    Alors, ses bras entourèrent Kiin, la tinrent contre lui, la serrèrent contre sa poitrine. Il murmura son nom, encore et encore, comme une incantation, comme une prière. Kiin sentit la puissance du cœur de Samig qui battait à travers leur parka. C'est vrai, se dit-elle. Ce n'est pas un rêve. Je suis là, avec Samig. Le Corbeau ne l'a pas tué.
    Kiin repoussa les cheveux de Samig de son visage et l'éloigna doucement.
    — Tu dois me lâcher autrement jamais nous ne

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