Mon frère le vent
têtes de harpons quand ils les reçoivent de vous. Tu ne sais pas que le Peuple des Rivières donne deux femmes pour chaque tête de harpon des Chasseurs de Baleines. Le Peuple Caribou, qui vit presque au bord du monde donne des bottes et des parkas parfaitement cousus ei ornés de dents et de nerfs colorés. Tout cela pour un;; ou deux têtes de harpon des Chasseurs de Baleines. T i ne sais pas cela, et les commerçants le tairont. Pourquc i te dire qu'ils peuvent obtenir tant de si peu ?
Tandis qu'il parlait, Waxtal observait Roc Dur qui, peu à peu, plongea ses yeux dans les siens. Comme s'il voulait estimer la part de vérité.
— Si c'est vrai, dit enfin le chef, pourquoi m'aver-tir ? Pourquoi ne pas prendre ce que tu peux obtenir et t'en aller comme tout marchand ?
Il se mit à tousser puis reprit :
— Alors pourquoi me dire ?
— Parce que nous sommes frères.
Roc Dur plissa les yeux et s'inclina vers Waxtal.
— Tu n'es pas mon frère.
— Je suis Traqueur de Phoques, des Premiers Hommes. Tu es Chasseur de Baleines, aussi des Premiers Hommes.
Il s'interrompit un instant. Roc Dur se redressa, rentra les joues et rejeta la tête en arrière.
— Les Chasseurs de Baleines et les Traqueurs de Phoques ont toujours été frères, réitéra Waxtal. Nos grands-pères, d'il y a longtemps, sont les mêmes. Ils sont maintenant réunis dans les Lumières Dansantes. Nous épousons vos femmes, vous épousez les nôtres.
Roc Dur acquiesça d'un signe.
— Ces hommes avec qui je suis, poursuivit Waxtal en désignant du menton le sommet de l'ulaq, appartiennent au Peuple Caribou. Ils ne pensent pas comme je pense. Ils ne voient pas comme je vois. Nous sommes ensemble pour ce voyage uniquement, puis je partirai seul ou avec un marchand Premier Homme. Comment puis-je permettre que des hommes qui ne sont pas mes frères dupent quelqu'un qui est mon frère ?
Waxtal soutint le regard de Roc Dur.
Lentement, Roc Dur sourit.
— Dis-moi pourquoi ces hommes, ceux qui se nomment Caribou et Rivières, commença-t-il, pourquoi veulent-ils nos têtes de harpon ? Espèrent-ils chasser les baleines ?
Waxtal partit d'un grand rire.
— Ils ne chasseront jamais la baleine. Certains vivent loin de la mer, si loin qu'ils ne peuvent même pas entendre sa voix. Mais ils visitent la mer. Ils ont vu des baleines. Ce sont d'habiles chasseurs qui prennent des caribous et des ours ; ils ont donc quelque notion de la puissance qu'il faut pour chasser en mer. Tu tues des baleines. Quel homme possède plus de pouvoir ?
Waxtal détourna un moment les yeux puis, tenant la tête de harpon brisée, il poursuivit :
— Ceci, crois-tu qu'ils s'en serviront d'arme ? Non. précisa-t-il en caressant la barbe brisée avec un petit rire. Cette tête de harpon a servi contre une baleine. Un chasseur la prendra comme amulette.
Waxtal sourit et glissa l'objet dans une pochette à sa taille.
— Peut-être la garderai-je moi-même.
— Oh ! s'exclama Roc Dur. Deux ventres d'huile, alors !
Et, s'il s'était attendu à pareille offre, Waxtal se mon tra tout de même surpris. Il mâchouilla ses lèvres et tapota sa pochette.
— Pour celle-ci et trois autres.
— Oui.
— Deux ventres de phoque et une femme pour mon lit cette nuit.
— C'est d'accord !
Waxtal se releva mais Roc Dur tendit la main vers la réserve de nourriture creusée dans le mur.
— Un bon troc devrait s'achever en mangeant.
Waxtal attendit que l'homme trie parmi les conteneurs en ventre de lion de mer. Il sortit enfin du poissai séché et de la viande de baleine. Voyant cela, Waxtd songea à son fils : Qakan aimait la viande de baleine. Si seulement il pouvait être là, et observer son père marchander.
Dans son esprit, Waxtal parla à son fils comme s'il était ici, à son côté : « Le secret d'un bon troc est de connaître le vrai désir — pas l'huile, la viande, les armes. Ces choses sont extérieures. Elles ne sont que le symbole de ce que l'homme veut vraiment. Un bon marchand voit à travers elles comme à travers l'eau. Un homme tel que Roc Dur, qui a perdu sa fierté, est le plus facile à comprendre. Il veut retrouver sa superbe et pour cela, il doit d'abord avoir la puissance, puis la vengeance et, une fois devenu vieux, l'honneur. N'oublie pas ce que je te dis, Qakan. Peut-être un jour seras-tu commerçant dans les Lumières Dansantes. Qui sait ce qu'un marchand peut obtenir là-bas ? »
Roc Dur donna un morceau de viande séchée
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