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Mon frère le vent

Mon frère le vent

Titel: Mon frère le vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sue Harrison
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t'entendre te féliciter pour ton travail.
    Après avoir mangé, elle veilla tard dans la nuit pour œuvrer à son panier. C'était un grand panier et, maintenant que la deuxième nuit approchait, Kukutux l'avait presque achevé. Elle avait mangé deux fois, aujourd'hui, mais elle avait encore faim. Elle songea en souriant aux nombreux jours où elle avait été heureuse d'un seul et maigre repas. Mais que penseraient Hibou et Œuf Moucheté s'ils découvraient une réserve vide à leur retour ? Elle devait rapporter quelque nourriture, à défaut d'oursins, des clams et des tiges d'ugyuun.
    Elle enfila son suk et, mouchant toutes les lampes sauf une, elle sortit. Elle retourna d'abord chez elle où il faisait noir exception faite du petit carré de lumière qui parvenait du trou de fumée. Mais elle connaissait bien son ulaq et trouva sans encombres le large bout d'ardoise grise rangé contre le mur.
    Fouillant dans sa cache de provisions, elle y prit son filet à cueillette. Elle le fixa à son bras, prit l'ardoise qui servait à creuser pour trouver des clams et ressortit. Elle hissa l'ardoise sur le sommet de son crâne, l'y maintint d'une main puis se dirigea vers les flaques à clams. La matinée avait débuté avec un épais brouillard, mais l'atmosphère s'était réchauffée au cours de la journée et il faisait bon dehors ; un jour rêvé pour la pêche et la cueillette. Plusieurs femmes étaient déjà là, penchées sur leur ardoise à creuser, dégageant le sable pour découvrir de petits clams plats. Nombreux Bébés était là, ainsi qu'Elle Pleure. La première s'approcha de Kukutux et désigna un endroit près de la ligne de marée.
    — Creuse là, dit-elle. Personne n'a encore essayé.
    Kukutux hocha simplement la tête en souriant.
    — Garde ça pour une autre, rétorqua-t-elle, sachant qu'on n'y trouverait pas grand-chose.
    Elle s'avança au bord de l'eau en dépit des protestations de Nombreux Bébés et entendit Elle Pleure dire :
    — Pourquoi creuserait-elle à la ligne de marée ? Elle veut des clams, pas des pierres.
    Alors, Nombreux Bébés se tint tranquille.
    Comme si les esprits lui étaient favorables, Kukutux eut une pêche fructueuse, contrairement à la plupart des
    autres femmes. Elle avait presque empli son filet quand elle entendit Panier Moucheté s'écrier :
    — Des marchands ! Je vois leur ik.
    Ces mots furent comme des pierres dans la poitrine de Kukutux qui leva les yeux en les protégeant de la lumière. Oui, c'était bien l'ik des commerçants. Et un ikyak en plus.
    — Les mêmes ou d'autres ? s'enquit Panier Moucheté.
    — Les mêmes.
    — Tu devrais rentrer, suggéra Nombreux Bébés à Kukutux. Tu es leur femme, maintenant.
    Kukutux continua de creuser. De quel droit lui don-nait-elle des ordres ?
    Mais Elle Pleure intervint.
    — Tu devrais y aller. Ils vont se demander où tu es.
    Sans un regard pour les femmes, Kukutux gagna le
    bord de l'eau. Elle baissa son sac pour rincer les clams, lava sa pelle qu'elle essuya du bord de la main puis reposa l'ardoise sur sa tête.
    Comme elle marchait vers la plage, de petits esprits tissèrent des soucis dans ses pensées. Et si les marchands n'aimaient pas la nourriture qu'elle préparait ? Et si elle n'avait pas assez de coquillages pour les satisfaire ? Puis elle pensa aux lits et aux désirs qui semblaient régner sur la vie de tout homme.
    — Et si l'un d'eux me veut dans son lit ? demanda-t-elle à voix haute.
    Elle attendit, comme si le vent allait répondre, comme si les esprits tracassiers allaient lui apporter la sagesse autant que l'inquiétude. Ne recevant nulle réponse, elle répondit d'une voix forte :
    — Espère un fils.
    41
    Peuple des Rivières
    Fleuve Kuskokwim, Alaska
    Le Corbeau prit la nourriture qu'on lui offrait et remercia d'un signe de tête l'épouse de Dyenen. C'était une vieille femme voûtée dont la vision était troublée par le voile blanc qui recouvre les yeux des grands vieillards.
    — Mes commerçants t'appellent Saghani, dit Dyenen dans la langue du Peuple des Rivières.
    Si les mots étaient polis, le Corbeau percevait parfaitement le malaise du vieil homme. Dyenen était assis, le dos raide, sa main droite caressait le renflement de son couteau de manche.
    Quel enfant ne connaissait les récits des temps anciens où Peuple des Rivières et Peuple Morse n'étaient qu'un ? Quel enfant ne connaissait les récits des colères, des massacres qui les avaient séparés, une

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