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Montségur, 1201

Montségur, 1201

Titel: Montségur, 1201 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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Tannhäuser.
    — Chanterez-vous ici ?
    — Si on nous le demande, certainement !
répondit Conrad. Nous l’avons fait hier, mais nous chantons surtout des épopées
chevaleresques où l’amour a le premier rôle. Le sentiment de l’amour n’y a rien
de léger, car il est destiné à améliorer les hommes. Chez nous, on nous appelle
des minnesingers [41] .
    — Comme les troubadours, remarqua Guilhem. Je
chante aussi, avec ma vielle à roue.
    — Les troubadours célèbrent surtout la femme,
remarqua Conrad.
    — Chantez-vous ensemble ?
    — Je n’ai pas une belle voix, donc je joue
surtout de la harpe. Wolfram est bien meilleur conteur que moi, répondit le
chevalier teutonique.
    Annoncés par le cor d’un héraut, les services se
succédaient. Ceux du haut bout étaient les premiers servis et avaient les
meilleurs morceaux. Au fur et à mesure que les plats étaient présentés le long
des tables, les portions étaient moins copieuses et les bas morceaux plus
nombreux. Il y eut ainsi un incident, lorsque Vladislas de Valachie protesta
auprès de l’intendant et du maître d’hôtel contre la portion que lui donnait un
serviteur, assurant qu’un ambassadeur de Transylvanie méritait mieux.
    Cela fit rire Conrad qui dévorait comme un ogre
tout ce qu’on lui présentait. Tandis qu’à la cour de Raymond, chacun
s’efforçait de manger proprement, n’utilisant que trois doigts pour se servir
des viandes et évitant de remettre dans les plats les morceaux portés à la
bouche, l’ambassadeur de Transylvanie n’avait que faire de ces principes,
essuyant ses doigts dégoulinants à la nappe, faisant couler la sauce sur sa
cotte, fouillant au fond des plats pour chercher les meilleures parts et
déchiquetant les viandes de ses deux mains.
    — Celui-là devrait comme nous aller de
château en château quémander sa pitance, remarqua aigrement Eschenbach. Il
découvrirait les tourments de la faim.
    Guilhem retint un sourire indulgent. Après tout,
le Valaque ne faisait qu’appliquer cette règle que tout le monde
respectait : Mange le plus que tu pourras. Si tu es chez un ami, il en
sera flatté ; si tu es chez un ennemi, cela le contrariera !
    — J’ai vu sa tente et ses gens. Son blason
porte ; Adversus me, omnis sanguis , remarqua-t-il.
    — Contre moi, tout leur sang ! Une
devise qui lui ressemble, laissa tomber Conrad avec mépris.
    — Pourquoi ? demanda Guilhem, intrigué
par cette brusque colère.
    — Je suis entré dans l’ordre des Teutoniques
pour venir en aide à mon prochain, le soigner et le guérir, seigneur de
Lamaguère. Cet homme est mon contraire. Hier, nous parlions de punitions au
sujet d’un voleur pris dans les écuries où il découpait des clochettes d’argent
d’une bride. Sur ordre du comte, l’intendant du château lui a fait trancher une
oreille et l’a mis au pilori, devant le chemin…
    — C’est le châtiment des voleurs ici, opina
Guilhem. Au premier vol : une oreille et l’exposition. Au second, c’est
l’autre oreille et la main, et au troisième, la potence fait définitivement
passer l’envie de rapiner.
    — Celui-là doit rester exposé un jour et une
nuit. C’est un terrible châtiment par ce froid, surtout après le sang qu’il a
perdu. Mais le seigneur de Valachie l’a jugé insuffisant. Chez lui, il n’y
aurait point de maraudage, car la plus petite infraction entraîne le pal.
    — Le pal ?
    — Le condamné est placé sur un pieu qui
s’enfonce lentement dans son fondement afin de repousser les chairs sans trop
les léser pour que le supplice dure le plus longtemps possible. La pointe
ressort par la bouche ou l’épaule au bout de plusieurs heures. La famille du
voleur subit le même supplice, pour l’exemple.
    Guilhem savait combien l’homme aimait faire
souffrir. Il avait vu Mercadier écorcher vif, arracher les yeux et trancher
bras et jambes, mais il n’avait jamais connu pareil tourment. Il resta sans
voix.
    — Vous êtes sévère Conrad, intervint Wolfram
d’Eschenbach en forçant sur l’ironie. L’ambassadeur du voïvode de Transylvanie
ne punit pas toujours par l’empalement. Pour les petits délits, il fait
écorcher, bouillir, frire, clouer et enterrer vivant, après toutefois avoir
fait couper nez, oreilles, parties génitales et langue aux condamnés. C’est ce
qu’il a dit.
    Guilhem posa un long regard sur Vladislas de
Valachie qui déchiquetait une pièce de viande avec ses dents. Si ses

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