Napoléon
lorsqu’on les a remontées, montrant leur fine taille bien raide, leurs gros yeux de porcelaine d’un bleu pâle et toujours fixes »...
Ceci compensant cela, Marie Walewska s’était fait une amie de l’impératrice Joséphine. L’exilée de Malmaison reçut souvent désormais la comtesse Walewska à qui la liait un sort un peu semblable. N’avaient-elles pas, toutes deux, aimé le même homme ? Et ne les avait-il pas, toutes deux, écartées, reléguées dans l’ombre au profit de cette Autrichienne aux yeux froids, au coeur sec, et qui – Joséphine le prévoyait – ne lui porterait pas bonheur... La seule différence existant entre elles était évidemment la présence du fils de Napoléon et de la comtesse Walewska. Marie, elle, au moins, gardait le souvenir vivant de l’Empereur et Joséphine s’attendrissait, les larmes aux yeux Napoléon pensait d’ailleurs à son petit Alexandre et, avant de partir pour la campagne de Russie, il demanda à Marie Walewska de venir le voir aux Tuileries. Et ce fut un magnifique cadeau qu’il lui remit ce jour-là : un décret rédigé trois jours plus tôt à Saint-Cloud – le 5 mai 1812 – instituant un majorai pour leur fils :
« Les biens situés dans le royaume de Naples, disait-il, et qui font partie de notre domaine privé, sont donnés, comme nous les donnons par le présent décret,’ au comte Alexandre-Florian-Joseph Colonna-Walewski, pour composer le majorai que nous instituons en sa faveur et auquel nous affectons le titre de comte de l’Empire... »
Marie en avait « la pleine et entière jouissance des revenus et fruits » jusqu’à la majorité de leur fils. Ensuite Alexandre devait « payer à ladite dame Walewska, sa mère, une pension annuelle et viagère de cinquante mille francs »...
Marie, rentrée à Walewice, avait à nouveau senti son coeur tressaillir d’espoir : Napoléon avait battu les armées du tsar, Napoléon se trouvait à Moscou ! Assurément la paix y serait signée et la Pologne rétablie dans sa toute-puissance ! Déjà l’ambassadeur de France, Mgr de Pradt, traitait la comtesse Walewska en « fac-similé » d’impératrice. L’expression est de la comtesse Potocka qui précisait : « Elle a le pas sur toutes les dames. Aux dîners d’apparat, elle est toujours servie la première, occupe la place d’honneur et reçoit tous les hommages ainsi que toutes les marques de respect !... Ce qui choque visiblement les douairières et donne de l’humeur à leurs maris, tandis que les jeunes femmes, peu soucieuses de l’étiquette, rient sans se soucier de l’amoureuse extase avec laquelle Mgr l’archevêque lorgne le joli bras et ‘ la main blanche et potelée de la petite comtesse. » Et soudain, un courrier apporta la nouvelle de l’atroce retraite de la Grande Armée à travers le désert glacé. Le 10 décembre, l’Empereur, qui précédait les débris de la horde, passa en traîneau non loin du château de Marie et pensa à sa femme polonaise. Quel réconfort pour lui s’il pouvait la serrer dans ses bras ! C’est Caulaincourt qui l’avait empêché de s’arrêter à Walewice. La perte de temps aurait pu lui être fatale !... Il fallait regagner Paris au plus vite – Paris où les esprits s’affolaient – « sauter de la chaise de poste sur son trône et ressaisir le sceptre » !
De nouveau Marie avait repris le chemin de Paris. L’Empereur, parfois, s’était échappé des Tuileries pour se rendre rue de Montmorency où son amie avait retrouvé sa maison. Un jour, il avait reçu son ancienne maîtresse au château. Tout à coup on avait gratté à la porte : « Quelque chose roula, qui était bleu et blanc, rose et chevelu : le roi de Rome... Un magnifique enfant, le front haut et large de son père, les mêmes oreilles, un ovale analogue... » Le petit roi, sur l’ordre de l’Empereur, offrit alors son portrait à la comtesse et vint s’asseoir sur les genoux de Marie :
— Cette dame te plaît : tu as bon goût... Si jamais elle te montre, sans parler, le portrait que tu lui as remis, tu sauras qu’elle a besoin de toi. Tu te souviendras de cela ? Je te le rappellerai.
Tout au début de 1814, Marie avait acheté pour elle et son fils une maison qui subsiste toujours : l’hôtel Saint-Chamans, situé juste à côté de l’ancienne petite folie de Joséphine, 60, rue de la Victoire. C’est de là, ce mercredi 13 avril, qu’elle était partie pour
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