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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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la main. »
    Mais le lendemain après-midi, pour débarquer, l’Empereur abandonne cette coiffure de marin pour se couvrir de son chapeau légendaire. Le matin, le drapeau elbois avait été hissé sur les forts, tandis que, pour saluer Napoléon, tonnaient les batteries du Stella et du Falcone ainsi que les canons de YUndavsnied. Toute cette artillerie se remet en branle lorsque l’Empereur quitte la frégate. Les marins anglais présentent les armes, sabre au clair et poussent les hourrah réglementaires.
    Devant lui, alors que la chaloupe avec ses vingt-quatre rameurs s’approche du débarcadère, l’Empereur voit le quai où la foule, en habits clairs – cette foule si semblable à celle de son enfance – s’est rassemblée et crie : Evviva il Imperatore ! dans le vacarme des cloches qui sonnent et des roulements des tambours du 35 e régiment de ligne.
    La chaloupe s’arrête.
    Le maire, Pietro Traditi, s’avance portant sur un plat d’argent les clefs de la Porte de la Mer. En réalité, ce sont celles de la cave de sa maison qui ont été rapidement dorées pour la circonstance, car les clefs authentiques ont été égarées {35} . La « Porte de la Mer » est un arc de triomphe percé d’une haute porte aux vantaux de bois cloutés, et élevé au XVII e siècle par le grand-duc Ferdinand II. Cette arche est le seul passage qui permette d’entrer dans la ville, le port étant, en effet, ceinturé par le Granguardia – le Grand Rempart – sur lequel on a construit des maisons {36} . Les fenêtres sont pavoisées et les mouchoirs claquent au vent.
    Napoléon a lancé au maire la phrase traditionnelle :
    — Reprenez ces clefs, Monsieur le Maire, elles ne peuvent être en meilleures mains.
    Les soldats du 35° et les gardes nationaux font la haie. L’Empereur s’apprête à se diriger vers la Porte de la Mer lorsque le vicaire général, le Corse Arrighi – il se prétend, comme tant de Corses, cousin de Napoléon – fait un geste de la main. Effaré, l’Empereur voit alors venir vers lui un dais en papier doré orné d’abeilles en carton scintillantes au soleil que portent quatre gaillards en habits de fête. Il n’ose refuser cet honneur, réservé habituellement au Saint-Sacrement, et va se placer sous l’étrange baldaquin. Les autorités, pêle-mêle avec les officiers de l’Empereur et les commissaires alliés, suivent le dais. Au son des tambours scandant la marche, la procession – vrai cortège de carnaval – passe sous la Porte de la Mer et entre dans la nouvelle capitale de l’Empereur. Quelques pas séparent l’arc de triomphe de l’église paroissiale – Mgr Arrighi l’appelle pompeusement le Duomo – qui ouvre ses trois portes sur la place d’Armes. La simplicité de l’édifice dont seuls les soubassements sont en marbre bleu pâle et blanc, étonne dans ce pays où plus de clinquant accompagne habituellement la religion. Les voûtes de l’église sont en bois peint et les solives apparentes. Devant l’autel, un prie-Dieu attend l’Empereur afin qu’il puisse se recueillir tandis que l’on va chanter un Te Deum. Un Te Deum, comme après Austerlitz ou au lendemain de la naissance du roi de Rome !
    La cérémonie terminée, Napoléon reprend place sous son baldaquin, et se met en route pour la mairie, qui se trouve à quelques pas, dans un renfoncement, de l’autre côté de la place d’Armes, appelée place Hutré. L’Imperatore pénètre dans le bâtiment au son d’un piètre orchestre de chambre. Il donne audience, dans le « grand salon », aux personnalités elboises, avant de gagner les appartements qui lui ont été hâtivement préparés – appartements qu’avaient occupés en 1803 le commandant Hugo et ses trois enfants, parmi lesquels le petit Victor qui, un jour, pourra écrire :
    Je visitai cette île, en noirs débris féconde,
Plus tard premier degré d’une chute profonde.
    Et pendant que l’Empereur cherche en vain le sommeil – la rue est bruyante, les odeurs infectes flottent dans l’air puisque l’on jetait alors tout par la fenêtre... – les officiers alliés, pour que la « chute profonde » soit officielle, établissent la « prise de possession » de l’île d’Elbe par S.M. l’empereur Napoléon. « En foi de quoi, ajoutent-ils, nous, commissaires des puissances alliées, avons signé le présent procès-verbal avec le général Drouot, gouverneur de l’île, et le général Dalesme, commandant

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