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Napoléon

Napoléon

Titel: Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Castelot
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doit être au moins de vous y aimer.
    Ils ne s’aimaient guère, en effet, et se jalousaient âprement. Dans cette série de logements où ils vivent entassés, les hommes ont des querelles de préséances ou de fonctions et les deux femmes se traitent mutuellement de « catins » ! Tous se réjouissent alors de la demi-disgrâce du grand-maréchal. Mme Bertrand – née Fanny Dillon, apparentée à Joséphine – préférait demeurer chez elle, plutôt que de se rendre au dîner de l’Empereur. D’origine irlandaise, elle semblait plus heureuse d’aller voir l’amiral Cockburn et trouvait plus distrayant de bavarder avec le geôlier qu’avec le prisonnier !
    — Je sais que je suis tombé, s’exclame Napoléon, ulcéré, mais l’apprendre de l’un des miens !... J’ai toujours été habitué à ce que les personnes vivant près de moi se montrent très heureuses d’y être. Je veux vivre en famille et ne saurais le faire comme un simple particulier. Me manquer d’attentions à Longwood m’est infiniment plus sensible qu’à Paris. Je mangerai désormais chez moi, servi par un seul nègre.
    Autour de lui ses compagnons ne pensent bientôt plus qu’à abandonner cet affreux rocher. Le chambellan Las Cases – pourtant le mieux traité – quittera l’île le premier. Avec lui, l’Empereur possédait un auditeur attentif, prêt à tout accepter comme parole d’évangile. C’est en compagnie de l’ancien conseiller d’État que Napoléon bavardait le plus fréquemment, – il le traitait de « petit Talleyrand » – et les autres compagnons, jaloux de cette intimité toute récente, témoignaient à Las Cases une nette hostilité. Le général Gourgaud semble le plus acharné et, dans son Journal, il ne ménage guère celui qu’il appelle « le Jésuite ». Le comte de Las Cases – marquis sous l’Ancien Régime – fut-il l’arriviste et l’intrigant peint par les compagnons de l’Empereur ? Ce n’est pas impossible. Est-il exact que l’auteur du Mémorial ne pensait qu’à rassembler le plus rapidement possible la masse de matériaux qui devait lui permettre d’écrire son ouvrage... et de regagner l’Europe dès la première occasion afin de le faire publier ? Assurément !
    Cette occasion, il la fait naître, assez sottement d’ailleurs, en remettant à un domestique renvoyé un message clandestin destiné à Lucien Bonaparte. Hudson Lowe l’apprend et vient lui-même « enlever » Las Cases de Longwood. Cependant, le gouverneur sachant combien Napoléon a besoin de celui qui lui sert de secrétaire, serait prêt à passer l’éponge et à permettre au prisonnier de rejoindre l’Empereur, mais Las Cases refuse de regagner Longwood. On est donc en droit de supposer qu’il a machiné toute l’affaire afin de pouvoir s’enfuir de Sainte-Hélène sans avoir l’air d’abandonner l’Empereur. À moins que l’incident du domestique n’ait été qu’un hasard heureux dont Las Cases se serait servi pour quitter l’île...
    L’Empereur est peiné et éprouve le besoin d’écrire à Las Cases une lettre d’adieux trop affectueuse aux yeux de Gourgaud : le jeune général affirme que l’ex-conseiller d’État de Louis XVIII n’est pas un martyr.
    — Ce n’est pas une grande merveille, s’exclame-t-il, que d’avoir passé beaucoup de nuits près de Votre Majesté ; bien d’autres en ont passé de plus dures pour l’Empereur. Las Cases n’est venu ici que pour faire un livre !
    Napoléon boude. Gourgaud en fait autant et, quelques jours plus tard, après le dîner, l’Empereur soupire :
    — Quelle heure est-il ?
    — Dix heures.
    — Comme les nuits sont longues !
    — Et les journées, Sire ! marmonne Gourgaud à mi-voix.
    La tristesse de son ancien officier d’ordonnance le peine. Apprenant que l’on joue une pièce à Jamestown, il lui conseille de s’y rendre :
    — Il faut vous amuser. Vous êtes triste comme un bonnet de nuit. Cette tragédie que l’on donne aujourd’hui est superbe... Cela me fait de la peine de vous voir triste.
    Mais Gaspard Gourgaud est un écorché vif. Le moindre mot de Napoléon déclenche une scène.
    — Vous n’êtes qu’un enfant, lui dit-il un jour.
    « J’ai bientôt trente-quatre ans, écrit le général dans son Journal, et, depuis quelque temps, Sa Majesté semble prendre plaisir à me dire des choses les plus dures. M’appeler enfant, c’est me dire que je suis une bête. Où sont donc

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