No Angel

emmerde. J’ôterais pas mon blouson pour chier dans cet hôtel même si une merde grasse glissait sur l’arrière de ma jambe.
    Je composai un numéro et posai une main sur l’épaule de Bobby. Joby parlait à nouveau de dormir dans la poussière quand Gayland décrocha.
    — Monsieur, on est à l’entrée et la sécurité nous a arrêtés. Il paraît qu’on ne peut pas entrer avec nos blousons. On refuse de les ôter.
    Gayland rit.
    — Pas de problème. Donne-moi une minute.
    Il raccrocha.
    Je dis à Bobby que ça allait s’arranger. Il ne me crut pas… il remonta sur sa moto. Un vigile posa un doigt sur son oreillette afin de mieux entendre. Il saisit le revers de sa veste et dit d’accord. Puis il se tourna vers nous :
    — Je regrette, messieurs. Une erreur a été commise et nous vous présentons nos excuses. Veuillez entrer. Bienvenue à Las Vegas. Bienvenue au Hard Rock.
    Bob sourit à nouveau. Sans doute cela ne lui était-il jamais arrivé de sourire deux fois dans la même journée. Il descendit de moto, me donna une grande claque dans le dos.
    —  Messieurs. Tu as entendu cette connerie ? Putain, Bird, c’est super. Quand on sera installés, appelle-moi dans ma suite.
    Je demandai :
    — Qu’est-ce qu’il y a ?
    Il cria :
    — Téléphone-moi dans ma putain de suite quand tu auras pris une douche.
    Bien.
    On alla à la réception. Les couples eurent chacun une suite. On se doucha l’un après l’autre, JJ et moi. Après la route, ça fit beaucoup de bien. Quand j’appelai Bobby, il me demanda si j’avais l’intention de voir Big Lou pendant notre séjour à Vegas et si, dans ce cas, il pouvait lui être présenté.
    — Tu veux que j’organise quelque chose ?
    — Merde, Bird, oui, c’est ce que j’essaie de te dire !
    — Rencontrer des gens n’est pas vraiment le truc de Big Lou, mais je vais voir ce que je peux faire. Donne-moi cinq minutes.
    On raccrocha. J’appelai Slats. Il organisa une conférence par téléphone avec Gayland. On estima que c’était une bonne idée. On pourrait le présenter et évoquer une affaire d’armes susceptible d’aboutir le lendemain. Je demandai si on pouvait se procurer assez d’armes pour faire croire qu’il s’agissait d’une grosse cargaison. Slats répondit que ça ne posait pas de problème. Je rappelai à Gayland que le type qui jouerait Big Lou devrait avoir l’air d’un vrai dur, comme un véritable boss du crime. Il me dit de ne pas m’inquiéter. Ils ajoutèrent qu’il leur fallait une demi-heure pour organiser l’entrevue, qu’ils me rappelleraient.
    J’allai dans le salon de la suite. JJ regardait Jeopardy.
    Elle leva la tête.
    — Qu’est-ce qui se passe ?
    — Ce qui se passe, c’est que toi, Bobby et moi, on va aller voir Big Lou.
    — Vraiment ? Pourquoi faut-il que j’y aille ?
    — Parce que Big Lou veut te voir, chérie.
    Elle serra les lèvres, se leva, soupira que je la faisais travailler trop dur.
    Slats téléphona pour m’indiquer l’heure et l’endroit. Je raccrochai et appelai Bobby.
    — C’est bon.
    Enthousiaste, il souffla :
    — Vraiment ? Il faut que je m’habille comment ?
    Incrédule, je répondis :
    — Comme d’habitude, Bobby.
    — Il veut vraiment me voir ?
    — Non, Bobby, il a envie de me voir et tu m’accompagnes, c’est tout. La personne qu’il veut vraiment voir, c’est JJ.
    Je changeai de sujet.
    — Comment est la suite ?
    — Formidable. Staci n’arrête pas de répéter qu’elle est formidable. Mais cinq dollars le sachet de M&M, putain, c’est dingue, hein ?
    — Ouais, ces endroits te laissent pas respirer.
    — Tu peux le dire.
    — Écoute, JJ et moi on te retrouve dans le hall à dix heures. Sans Staci.
    — Tu blagues ? Elle sortirait pas de la suite si je répandais une traînée de speed jusqu’aux bandits manchots. À tout à l’heure.
    — Cool. À tout à l’heure.
     
    On prit la camionnette pour aller au PT’S Club. Sur le trajet, mon téléphone sonna.
    — Ouais, Bird.
    — C’est Slats. Écoute… Gayland regrette, mais aucun des gars que tu connais ne peut jouer Big Lou.
    — Vous déconnez ?
    — Non. Mais ne panique pas. Le spectacle n’est pas annulé. Gayland a un type qui, d’après lui, sera formidable. Il dit que tu n’auras aucun mal à l’identifier.
    — Merde. OK. On arrive.
    — Bobby est près de toi ?
    — Ouais.
    Il eut un rire étouffé, conclut :
    — Dis à Reinstra qu’il