No Angel
téléphona plus tard et m’annonça que le colis, très léger, contenait apparemment trois bandes de tissu. Nos insignes.
Le lendemain, il y eut une réunion. Des invités d’honneur vinrent au clubhouse : Bad Bob, Pete Eunice et Marcus, président de Londres. Quand on arriva, ils avaient l’air fâché. Joey allait et venait d’un pas traînant près de l’entrée, la tête baissée comme s’il était à la fois honteux et furieux. Joby se tenait près de lui, les bras croisés. Bobby frappait la paume de sa main droite avec un manche de hache. Pete faisait tourner le barillet d’un revolver de calibre .38, le faisait basculer, le remettait en place et le faisait à nouveau tourner. Quand on fut tous à l’intérieur, Joby se tourna soudain vers Joey, qui s’était avancé jusqu’au seuil, posa les mains sur sa poitrine et le poussa. Bobby se plaça silencieusement derrière lui, les bras croisés, les lunettes de soleil devant les yeux. Joby cria :
— Barre-toi, putain,
Joey recula, la tête toujours baissée. Je me tournai vers Bobby dans l’espoir de deviner ce qui se passait. Il ne s’intéressait pas à moi. Joby répéta :
— Barre-toi, putain !
Joey pivota sur lui-même et s’en alla d’un pas traînant. Rudy se leva, prit Timmy par le bras et lui dit de venir avec lui. Ils s’en allèrent.
Outre l’hostilité que Joey suscitait – j’appris plus tard qu’il avait sauté la nana d’un autre sans l’autorisation de ce dernier –, Bobby était furax à cause du dîner. Il avait envoyé Staci le chercher – nous savions que JJ l’avait retrouvée en ville – et elles étaient en retard.
— Ces salopes ont intérêt à débarquer vite fait avec notre putain de bouffe, sinon ça va barder.
J’acquiesçai. Teddy dit à Pops d’attendre dehors et de surveiller les environs. Pops sortit.
Tout le monde se tourna vers moi. Pete, qui avait toujours son revolver, le glissa sous sa ceinture, la main posée sur la crosse en caoutchouc. Bobby frappait toujours sa paume avec le manche de hache. Joby ferma la porte et s’adossa à elle, près de Marcus. Épaule contre épaule, ils me fixaient. Bad Bob, au fond de la pièce, lissait ses cheveux.
Teddy ôta les tubes de son nez et prit la parole, d’une voix grave :
— Va falloir que tu partes aussi, Bird.
Je gardai le silence. Teddy était véritablement terrifiant. Il utilisait sa maladie comme une arme. Il poursuivit :
— Je sais que tu as fait de ton mieux, mais ça suffit pas. Tu as pas ce qu’il faut pour être un Hells Angel.
— Barre-toi, bordel.
C’était Bobby.
Je pris une profonde inspiration.
— Pas question, nom de Dieu. Vous pouvez me foutre dehors à coups de pied dans le cul, mais je partirai pas. C’est trop important.
Tandis que je prononçais ces mots, je m’aperçus qu’ils étaient absolument sincères.
— Si vous voulez que je parte, faudra que vous me souleviez et que vous me balanciez dehors.
J’étais pratiquement sûr que c’étaient des conneries, mais la façon dont Joey venait d’être éjecté suscita en moi quelques doutes. Peut-être faisaient-ils le ménage ? S’ils foutaient Joey à la porte, ils pouvaient agir de même avec n’importe qui. Cependant, les propos de Teddy étaient familiers. J’avais joué la même comédie à Jesse, quand il était devenu Solo, et Bad Bob y avait assisté. Je savais qu’ils avaient nos insignes. De plus, je savais qu’il y avait des années qu’ils n’avaient pas eu un aussi bon prospect. J’avais la volonté, la dureté et l’arrogance que les Hells Angels aiment. C’était ma vie et ils le savaient. Je serais un Hells Angel et je serais l’un des meilleurs.
Teddy sourit.
— Bon, si c’est comme ça, je crois qu’il va falloir qu’on t’accorde une deuxième chance.
Dans le même mouvement, il tendit le bras derrière lui et se leva. Quand il se tourna vers moi, il avait à la main un insigne de l’Arizona. Bobby me dit de me lever. Tout le monde sourit. Bobby et Joby me donnèrent une claque dans le dos. Je pris l’insigne. Teddy me serra dans ses bras. Malgré son âge, il était encore fort.
Lorsqu’on s’éloigna l’un de l’autre, Teddy ajouta :
— On va s’occuper de tes potes. Ferme-la et fais comme si on venait de te voler l’argent de ton déjeuner.
Je répondis que j’étais d’accord. Une heure plus tard, on était officiellement prospects au sein des Hells Angels. On fixa nos
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