Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises
à Adoua par les troupes du Négus. La date est restée célèbre, elle marque la première grande victoire d’une armée noire sur une armée blanche.
C’est le grand partage du monde. Il prend des tours surréalistes. L’historien néerlandais Henri Wesseling raconte l’obstination de Léopold II, le roi des Belges, à se mettre dans le mouvement. À tous les officiers de marine et les voyageurs qu’il croisait, il demandait : « Vous ne connaîtriez pas une île pour moi ? » Stanley, un mercenaire et aventurier gallois qu’il a pris à son compte, lui obtiendra le Congo, un pays quatre-vingts fois plus grand que sa Belgique. Il en fera dans un premier temps sa propriété personnelle. Son gouvernement, jugeant le gâteau démesuré, n’en voulait pas.
Souvent les rivalités se font rudes. En 1898, un convoi français dirigé par le capitaine Marchand essaie de traverser l’Afrique d’ouest en est et stationne à Fachoda, au Soudan. Arrive le général anglais Kitchener, qui estime que la zone est britannique. Il faudra bien du talent aux diplomates, à Paris et à Londres, pour éviter la guerre entre leurs deux pays. En règle générale, on s’en tire en organisant une sorte de troc entre les parts de butin. Il peut être négocié de puissance à puissance ou au cours de grandes conférences internationales (comme celle de Berlin en 1885, ou d’Algesiras en 1906). C’est le grand Monopoly des territoires. Je te laisse l’Égypte, tu me donnes le Maroc. Tu me laisses le Maroc, je te donne le Cameroun. Il va de soi qu’aucun des peuples concernés par le marchandage n’est convié au banquet : comment seraient-ils convives ? Ils sont au menu.
Des controverses infinies
La colonisation a été et reste un sujet passionnel. Les plaies ouvertes lors de cette période, ou lors des guerres qui y ont mis fin, sont toujours à vif, et les controverses qui en découlent infinies.
Quel est le bilan économique de cet épisode ? Pendant longtemps, il semblait entendu que les colonies étaient pour les métropoles un citron dont elles cherchaient à extraire tout le jus. À partir des années 1980, certains ont faite leur la thèse d’un historien de l’économie devenu célèbre, Jacques Marseille, qui prouvaient le contraire. En fait, la colonisation a coûté très cher à la France, notamment parce que, pour des raisons politiques, elle surpayait les biens coloniaux. Et après ?, pourrait-on rétorquer à notre tour. D’abord le prix fort ainsi payé servait sans aucun doute à enrichir les riches exploitants coloniaux, sûrement pas les populations elles-mêmes. Ensuite, cela ne résoud pas la question des dommages causés aux colonies par le bouleversement de leurs agricultures en monocultures – hévéa, cacao, café – dévolues uniquement à la satisfaction des besoins de la métropole. Enfin, si le système n’a même pas l’excuse de la cupidité, cela rend sa domination encore plus inacceptable.
N’oublions pas aussi, disent ses défenseurs, les infrastructures laissées par la présence française, et les bienfaits dont la métropole a gratifié les colonies. Il ne faut pas les nier, en effet, mais rappeler aussi combien ils furent limités. Il n’y a que dans les belles brochures de propagande que la France sème à foison, dans les lointaines savanes, les hôpitaux et les écoles. La réalité fut plus modeste et très contrastée. Dans les années 1930, à Madagascar, le taux de scolarisation des « indigènes », comme on disait, atteint presque 25 %. En Algérie, juste avant la guerre de 1914, après plus de quatre-vingts ans de domination française, il est de 2 %… Et si, dans de nombreux endroits, on construit, il faut savoir à quel prix ont été parfois payées ces constructions. Nul en Afrique n’a oublié le coût humain du chantier du chemin de fer Congo-Océan : conditions d’hygiène épouvantables, coups, chaleur et travail forcé ont joué à plein – 17 000 malheureux y ont laissé leur vie. « Un Noir par traverse », disait-on en exagérant un peu, mais pas tant.
Parmi ceux qui furent les agents de la colonisation, on trouve beaucoup de gens remarquables, d’administrateurs intègres, de médecins dévoués, de maîtres d’école sincèrement emplis de leur noble mission. Tous ne furent pas des brutes racistes, loin s’en faut. Nombreux le furent, ne les oublions pas non plus. « Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui
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