Notre France, sa géographie, son histoire
années, le tiers
d'une récolte de la Brie dans les années moyennes. N'importe, elle est aimée du
paysan franc-comtois cette terre aride ; il l'a épousée, il est un avec elle 4 . Sur les pics, au bord des précipices où
le pied tremblant de ses bœufs a peine à s'affermir, vous le verrez promener la
charrue, fendre le roc, lui demander sa part de fécondité. Les déceptions ne le
découragent pas. Elles sont plutôt pour cette race forte et patiente un
aiguillon.
Le paysan de toutes ces régions frontières devrait être chose sacrée
en souvenir de ce qu'il a fait pour la France dans le passé. Personne, sans
lui, n'aurait habité les marches dangereuses, la terre eût été déserte, il n'y
eût eu ni peuple ni culture. Le sort de l'antique Franche-Comté, a été
précisément de recevoir le premier choc des invasions. Attila fondit sur elle
avec ses hordes barbares. Les Huns, qui autrefois avaient forcé les Goths à
passer le Danube, entraînèrent les autres Germains demeurés en Germanie et,
tous ensemble ils passèrent le Rhin. La tribu primitive restée plus près de
l'Asie suit par troupeaux la cavalerie asiatique et vient demander une part de
l'empire à ses enfants qui l'ont oubliée. Mais après une si longue séparation,
les tribus ne se retrouvent que pour se combattre et pour s'égorger. Le fils ne
reconnaît pas son père, et celui-ci se voit dans la nécessité de tuer son
fils.
Depuis, que d'usurpations, de représailles sanglantes de la part des
peuples voisins, que de guerres civiles entre frères, entre Franc-Comtois et
Bourguignons, que de razzias !... Charles le Téméraire qui se connaissait
en hommes, pour guerroyer l'Alsace, la Suisse, la Lorraine, prenait l'argent de
la Flandre, mais les hommes d'armes à la Franche-Comté, à la Bourgogne. Les
devises si expressives, qui sont le patrimoine des Francs-Comtois, disent assez
tout ce que ce pays a, pendant de longs siècles, enduré, souffert !... 5
L'antique nature, à l'inverse des hommes, avait beaucoup fait pour la
Franche-Comté.
La terre, si longtemps maltraitée, ne se montre aux yeux du passant
que par son côté hostile, sa surface aride. Mais ouvrez ses entrailles, vous y
trouvez des trésors qui ne demandent qu'à se donner. Ces trésors sont les
carrières de marbre, les mines de fer, de houille, de lignite, les énormes
dépôts de sel gemme. Le fer répandu un peu partout sur toute la France, — ce
qui lui vaut peut-être son aimantation rapide, — s'est concentré en
Franche-Comté, dans la Haute-Saône avec la houille et le lignite ; Salins,
à lui seul, alimente de sel toute la Suisse. Le Doubs en donne aussi et le Jura
(Lons-le-Saunier, nom significatif) mais le Doubs est surtout, pour le pays, le
grand manufacturier de la tourbe.
Le Haut Jura se charge de fournir à l'industrie, à la marine, les
sapins de la montagne ; à l'alimentation, ses bœufs, ses fromages, la
grande ressource du pauvre, le miel parfumé de ses landes.
Besançon, comme Grenoble, fut encore une république ecclésiastique,
sous son archevêque, prince d'empire, et son noble chapitre. Mais l'éternelle
guerre de la Franche-Comté contre l'Allemagne, au moyen âge, y rendit la
féodalité plus pesante. La longue muraille du Jura avec ses deux portes de Joux 6 et de la Pierre-Pertuis, le Fort de
l'Ecluse en face de la Savoie, puis, les replis du Doubs, enserrant Besançon,
c'étaient de fortes barrières. Cependant Frédéric Barberousse n'y établit pas
moins ses enfants pour un siècle. Par les femmes, les mariages, le pays,
jusqu'à Louis XI 7 , fut tantôt à la
France, tantôt à l'étranger. A la mort de Marie, fille de Charles le Téméraire,
il nous échappa définitivement. Charles VIII avait à choisir entre Anne de
Bretagne et Marguerite de Bourgogne, prit la Bretagne. Le traité de Senlis
adjugea la Franche-Comté à l'Autriche, c'est-à-dire à Charles Quint et à ses
descendants espagnols qui la gouvernèrent par des vice-rois. Un traité nous
l'avait enlevée, un traité nous la rendit, le traité de Nimègue. Mais il fallut
avant, que Louis XIV, à qui elle avait été promise comme dot de sa femme
Marie-Thérèse, la prit par droit de conquête.
L'influence de l'Église et de la féodalité a été forte en
Franche-Comté. Ce fut sous les serfs de l'église, à Saint-Claude, lieu de grand
pèlerinage, comme
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