Par le sang versé
interruption.
Le calcul se révèle juste. Les quelques coups maladroits lancés de la rive par les viets affolés manquent leurs buts et la progression de la petite flottille n’est ralentie à aucun instant.
Les embarcations de tête parviennent à une trentaine de mètres de la plage. Dans un mouvement synchronisé leurs tireurs se portent vers l’avant et dirigent le feu sur la large étendue sablonneuse qui s’étend au pied du rocher. À l’arrière le gros des légionnaires tire au fusil dans la direction de la falaise et des abris qui y sont aménagés. Mais cette fois l’ennemi est admirablement protégé et sa riposte est efficace.
Les L. C. T. sont maintenant groupés sur une seule ligne face à la plage et dans chacun d’eux des hommes tombent. Impossible de porter secours aux blessés qui s’écroulent ; leurs compagnons seront contraints, dans quelques instants, d’enjamber ou de piétiner les corps pour se ruer sur la berge.
Les milliers de projectiles qui atterrissent sur la rive font exploser mines et pièges ennemis. Une centaine de soldats viets qui étaient absolument invisibles dans leurs trous individuels, sont pris de panique et, abandonnant leurs positions, tentent de gagner la base de la falaise rocheuse.
L’embarcation de la section Klauss se trouve en plein centre de la plage. Dès que son panneau avant se rabat, un tir précis de mitrailleuse lourde atteint les deux légionnaires de tête qui s’écroulent. Klauss, sans hésiter, donne l’ordre de refermer le panneau protecteur, puis calmement, il se dirige vers l’arrière de l’embarcation au poste radio. Mattei se trouve dans le L. C. T. placé à dix mètres sur sa droite. La communication est établie.
« Mon lieutenant, si on tente un débarquement, c’est le massacre. On a une mitrailleuse qui tire d’un blockhaus en plein dans notre axe.
– J’ai bien vu, j’ai fait refermer moi aussi. Il faut faire sauter cet abri central ! C’est vous qui êtes le plus près ; désignez un candidat à une citation.
– Essayez de le couvrir, mon lieutenant, c’est la seule chance.
– Je fais sortir douze F. M., tous en batterie sur le même point. Ils commenceront leur tir dans quatre minutes. Que votre gus se tienne prêt à gicler ! »
Les panneaux blindés de six L. C. T. (trois de chaque côté de celui de Klauss) s’entrouvrent juste assez pour laisser passer un homme. De chaque embarcation six légionnaires jaillissent et, se couchant sur le sable humide, déclenchent presque aussitôt le tir sur le blockhaus central.
Un instant surpris, les viets ripostent, mais les légionnaires atteints sont remplacés instantanément et le tir ne cesse pas.
Dans l’embarcation de Klauss, un Français, Marcel Bellemare, se tient prêt. Il n’a conservé de ses armes que son poignard de commando et une musette remplie de grenades. Lors de l’ouverture du panneau il a repéré un trou situé à une trentaine de mètres. C’est son premier objectif. Les yeux rivés sur sa montre, Klauss lui donne le signal ; Bellemare enjambe la paroi et court en zigzag sur le sol sablonneux. Autour de lui les balles ricochent sans l’atteindre et il parvient à se précipiter dans le trou. Il atterrit sur le corps d’un soldat viet qui agonise ; les balles continuent à miauler et il est obligé de demeurer à genoux sur le mourant, privant le malheureux de ses derniers mouvements respiratoires.
Toujours sous la protection aléatoire des douze fusils mitrailleurs, Bellemare s’élance à nouveau vers un autre trou. Mi raculeusement il y parvient ; cette fois, l’abri individuel est vide et le légionnaire reprend son souffle. Le sable colle à sa chemise trempée de sueur, il en est couvert par plaques, sur ses joues, sur son front, sur sa poitrine.
En courant, Bellemare a évalué la distance qui le séparait de la falaise. Il faut qu’il tente d’y parvenir à sa troisième sortie. S’il atteint la paroi, il sera relativement à l’abri pendant quelques secondes, mais toute la question est de savoir qui des servants viets de la mitrailleuse ou de lui sera plus prompt à lancer une grenade. Eux auront l’avantage de la hauteur ; leur abri dans le rocher doit se trouver environ à deux mètres du sol. Lui ne peut compter que sur le tir des douze fusils mitrailleurs, espérant qu’aucun d’eux ne visera trop bas.
Bellemare prépare deux grenades qu’il dégoupille avec ses dents. Ce sont des
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