Par le sang versé
grenades italiennes fabriquées à cet effet ; la tirette est en caoutchouc, et tant qu’il les tient dans ses poings il n’actionne pas le mécanisme d’explosion. Une troisième fois il s’élance. Presque immédiatement il est atteint d’une balle dans l’épaule, mais il ne ralentit pas sa course.
À un mètre à peine du rocher, une nouvelle balle frappe Bellemare à la hanche. Avant de s’effondrer, il a la force de lancer les deux grenades dans l’abri.
Il aperçoit la section Klauss qui se rue à l’assaut dans sa direction, il voit ses compagnons basculer comme des quilles, mais une dizaine d’entre eux parviennent jusqu’à lui et réussissent à le hisser à l’intérieur du blockhaus dans lequel quatre combattants viets ont été déchiquetés par ses deux grenades.
Couchés sur le sol, les légionnaires reprennent leur souffle. La partie est loin d’être gagnée et la position qu’ils viennent d’enlever ne leur permet pas d’aider les autres vagues d’assaut.
Klauss établi un contact radio avec le L. C. T. de Mattei à l’aide d’un talky-walky. La réponse du lieutenant ne le surprend pas :
« Bravo, mon vieux, mais il faut continuer, faites grimper un type sur la paroi. »
Déjà Santini, un petit Italien, a enlevé chemise, chaussures et pantalon, et se retrouve en slip sous les regards intrigués de Klauss et de ses compagnons.
« Si tu crois que tu seras plus à l’aise à poil, remarque Klauss, moi je m’en fous. »
Santini est petit et agile. Klauss pense qu’il l’aurait probablement désigné si l’Italien ne l’avait pas devancé. Le sergent est frappé par l’attitude cabotine du légionnaire, tout heureux de se donner en spectacle et d’afficher devant ses compagnons son mépris du danger. Mais le clou de son numéro réside dans les gestes qu’il fait pour introduire deux grenades dans son slip… et dans la position qu’il leur donne. Les dix hommes éclatent de rire comme des potaches, puis, très vite, les visages se figent : Santini, sans hésiter, vient de sortir de l’abri et commence à grimper comme un singe le long de la paroi. Par chance, la falaise offre de nombreuses prises naturelles, et très vite, Santini parvient sous un nouvel abri viet. Sans aucune difficulté, il projette une grenade. Sitôt après l’explosion, il fait un dernier rétablissement et après un bref coup d’œil, pénètre dans l’abri. Un seul homme l’occupait, la grenade a explosé derrière lui, lui déchiquetant la nuque. Dans un coin une échelle de corde est solidement fixée à une aspérité rocheuse. Sans s’exposer, Santini hurle de l’intérieur de l’abri :
« Chef, vous m’entendez ? »
Malgré les fracas incessants des détonations, il perçoit la voix de Klauss.
« Ça va, Santini ?
– Au poil, je vous balance un escalier. »
Santini jette l’échelle de corde qui tombe juste sous l’abri inférieur. Klauss est le premier à le rejoindre.
« Un seul type par abri, constate-t-il. Si c’est la même chose dans les autres, on peut y arriver. »
La nouvelle est transmise au bataillon qui donne l’assaut presque instantanément.
Les pertes sont lourdes, mais le plus gros de la troupe parvient au pied du rocher. De chaque section, un homme ou deux entreprend l’escalade tandis que, des abris viets, des grenades sont lancées, causant encore des pertes dans les rangs des légionnaires. Plusieurs d’entre eux parviennent, pourtant, à les saisir au vol et à les relancer plus loin sur la plage. En moins d’une demi-heure, le rocher « imprenable » est entièrement entre les mains du 1 er bataillon qui a perdu plus de cent cinquante hommes. La ville reste à investir.
De l’autre côté du rocher, les premières maisons de Ninh-Binh apparaissent à une centaine de mètres en contrebas. Mais cette fois, les légionnaires ont à leur disposition de multiples abris qui leur permettent de progresser à moindre risques.
Les viets se battent avec acharnement, et chaque maison ne peut-être occupée qu’à la suite de combats au corps à corps. Il paraît évident que l’ennemi a compris que la ville était perdue, mais qu’il cherche à couvrir la fuite de son état-major en gagnant coûte que coûte le maximum de temps.
Au fur et à mesure de la progression, la ville s’écroule, les viets incendient tout ce qui peut brûler, les légionnaires de leur côté ne ménagent rien. Les civils ont trouvé des
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