Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Par le sang versé

Par le sang versé

Titel: Par le sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Bonnecarrère
Vom Netzwerk:
heures du matin, une navette part de Phan-Thiet pour rejoindre la voie principale aux abords de Dakao. Le train ne comprend que quatre wagons. Trois d’entre eux sont occupés par des civils, le quatrième est réservé à l’escorte : une section de légionnaires (moins d’une vingtaine d’hommes) pour lesquels cet aller et retour hebdomadaire est devenu une routine presque divertissante. La navette n’a jamais été attaquée, non pas que le terrain qui entoure la voie ferrée ne se prête pas à toutes sortes d’embuscades, mais simplement parce que la voie secondaire n’offre qu’un piètre intérêt aux yeux des viets. Des deux côtés, on est conscient de cette situation, ce qui explique un certain relâchement dans la vigilance des légionnaires.
    La vingtaine de kilomètres qui sépare Phan-Thiet de l’axe principal est généralement parcourue en deux heures. Les pointes de vitesse maximum du convoi ne dépassent jamais 20 km-heure, et le franchissement de plusieurs rampes oblige même la vieille locomotive à réduire sa vitesse au-dessous du pas d’un homme.
    Dans le wagon de l’escorte, quatre guetteurs seulement sont en position de tir aux fenêtres et encore ils se retournent fréquemment pour prendre part à la conversation ou aux jeux de leurs compagnons. Un sergent et deux caporaux sont les seuls gradés du groupe qui comprend, entre autres, un légionnaire d’origine hongroise : Oscar Quint.
    La plupart des hommes connaissent par cœur le trajet. Ils savent qu’environ à mi-chemin, ils vont se trouver à moins de deux kilomètres de Tan-Xuan, camp retranché viet-minh ; juste après, la locomotive gravira sa montée la plus raide dont l’approche se devine par une recherche d’élan maximum. La pente qui débute faiblement se prolonge sur deux kilomètres durant lesquels elle ne cesse de croître. Lorsque la locomotive arrive enfin au sommet, elle semble sur le point d’exploser, et le convoi progresse avec une telle lenteur que, par moments, les hommes se demandent s’il n’est pas arrêté.
    C’est à cet endroit précis que le 13 février 1948, à 9 h 02, se déclenche le tir de l’ennemi, embusqué dans la forêt à moins de cinq mètres des wagons.
    Un véritable carnage. Les viets ne se sont groupés que du côté droit. L’efficacité de leur feu ne permet aucune riposte. Les wa gons sont criblés, troués, transpercés. Des grenades lancées par chaque fenêtre concluent le travail des armes automatiques. Puis les combattants viets surgissent de la forêt, se précipitent dans le train et achèvent à la mitraillette les rares survivants.
    Oscar Quint est atteint par six balles, mais il vit et il est conscient. Il gît sur le dos, protégé par les corps de deux de ses compagnons. Il fait le mort.
    Quatre autres légionnaires sont encore en vie, deux d’entre eux ne sont que superficiellement atteints. Les viets les tirent du train, leur lient pieds et mains et les couchent sur le bas-côté de la voie. Le wagon est tellement criblé de balles que Quint peut suivre, impuissant, le déroulement de la scène. Il aperçoit un soldat qui s’approche de ses camarades. Le viet a des galons sur sa tunique noire, un pistolet au poing ; il dévisage un instant les prisonniers. Quint pense qu’il va les achever d’une balle dans la nuque, mais un conciliabule s’engage. Quint ne comprend que les mots « Légion étrangère » qui reviennent à plusieurs reprises.
    Les quatre blessés ne sont pas achevés sur place : enlevés par les pieds et les épaules, ils disparaissent de la vue de Quint. Quelques secondes plus tard, Quint est frappé d’horreur par un hurlement inhumain et désespéré. Saisi par l’odeur, il comprend le sort infligé à ses quatre camarades.
    L’un après l’autre, ils sont jetés vivants dans la chaudière de la locomotive.
    Oscar Quint et deux civils eurent miraculeusement la vie sauve. Malgré le nombre de ses blessures, le légionnaire ne gardera que des séquelles secondaires des six balles dont il fut atteint ; jamais pourtant Oscar Quint ne redeviendra parfaitement normal. Dès qu’il reprit conscience à Phan-Thiet, il fit un rapport cohérent sur l’attaque, mais dès qu’il arriva à la fin de ses quatre compagnons, Quint fut pris de tremblements, puis de véritables convulsions, qui ne devaient jamais s’atténuer. Il sera réformé après un an d’hôpital psychiatrique.
     
    Après le massacre de la navette de Phan-Thiet,

Weitere Kostenlose Bücher