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Perceval Le Gallois

Perceval Le Gallois

Titel: Perceval Le Gallois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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toi que je choisis, et je ne m’en dédirai pas. Mais permets-moi de dire que je m’attriste de la perte des autres, car elles sont toutes, autant que toi, pourvues de grandes qualités. – Je te remercie », dit Gwladys. Et les autres, pleines d’affliction, jurèrent alors que plus jamais elles n’aimeraient Énéour, qu’elles l’abandonnaient sans conteste à Gwladys et ne tenteraient jamais plus de le séduire. Et lorsqu’elles eurent ainsi réglé leur différend, chacune rentra chez soi, tandis qu’Énéour, fort contrit, regagnait son propre logis.
    «  Cependant, les douze dames n’avaient, pas plus qu’Énéour, remarqué qu’on les espionnait. Dans la cité vivait un homme de basse condition qui, toujours prêt à répandre les bruits les plus infamants sur son prochain, en tirait même profit. Alerté par les cris que poussaient les femmes dans le verger, il s’était juché sur un mur et, de là, avait observé tout le drame. Et il s’était bien promis qu’un tel secret lui rapporterait gros.
    «  Il commença par surveiller soigneusement Énéour, et comme celui-ci n’allait plus qu’à un seul endroit, le traître n’eut pas de peine à savoir exactement où et à quel moment il rejoignait la dame de son choix. Et, un jour où les douze chevaliers étaient attablés ensemble, il alla les trouver et, une fois en leur présence, se mit à goguenarder tout en traçant une croix sur ses lèvres. « De quoi ris-tu, coquin ? s’écria l’un des chevaliers qui connaissait son homme sur le bout du doigt. Voilà un vilain divertissement ! Je sais bien de quoi tu te mêles : tu nous mijotes quelque médisance, selon tes bonnes habitudes ! – Par ma foi, répondit le vilain, j’ai appris des choses étonnantes. Mais comme il me serait difficile d’en parler devant vous, je ne puis qu’en rire à part moi. »
    «  Le ton qu’il avait affecté inquiéta les chevaliers. « Que nous caches-tu ? S’agirait-il de nous ? – Oui, par Dieu tout-puissant ! de vous tous. – Dis-nous donc ce que tu sais. Nous sommes prêts. – Je le ferai volontiers, répliqua-t-il avec un mauvais sourire, mais à condition d’en tirer quelque récompense. – Si c’est la vérité, tu recevras salaire. – Quant à moi, si j’étais sûr que vous teniez parole, je parlerais. » L’un des chevaliers, agacé par ce marchandage, lui dit : « Nous te paierons, je m’y engage. – Cependant, reprit l’homme, si je vous dis la vérité au sujet de certaine affaire dont je suis parfaitement informé, vous ne me causerez aucun désagrément ni aucun mal, quand bien même ladite affaire serait désagréable à entendre ? – Non, nous te le promettons. – Eh bien, soit ! Sachez, seigneurs, qu’un seul et même homme vous a tous faits cocus, tous autant que je vous vois dans cette salle-ci. Néanmoins, une seule femme est seigneur et maître de lui. »
    « En entendant ces mots, les douze chevaliers frémirent de colère, tant l’accusation leur paraissait odieuse. « Dis-nous encore : cet homme est-il chevalier ou bourgeois ? Quel est son nom ? – C’est un chevalier. Il s’appelle Énéour, et vous le connaissez tous. » Les chevaliers demeurèrent cois. Alors, le félon leur conta ce qu’il avait surpris depuis son perchoir du verger, la façon dont les dames avaient voulu se venger d’Énéour en le perçant de leurs couteaux, ainsi que le compromis grâce auquel l’une d’elles s’était assuré la possession exclusive de l’amant commun : « Le chevalier était si fort effrayé de se voir si près de la mort que, lorsque les dames l’ont sommé de choisir celle qui lui plaisait le mieux, de faire d’elle son unique amie, les autres jurant de renoncer à lui, bon gré mal gré il s’est exécuté pour sauver sa vie. Contraint et forcé, il a choisi l’une de vos femmes, la plus belle et la plus sage, et moi je sais qui est son mari ! »
    « Les douze chevaliers brûlaient de se jeter sur lui. « Parle ! Lequel d’entre nous ? » Le vilain désigna l’époux de Gwladys : « C’est toi, seigneur », dit-il, simplement. Le chevalier bondit, rouge de colère. « Par tous les diables de l’enfer ! s’écria-t-il, étant son mari, me voici encore mieux loti que les autres ! » Après avoir fait jurer au traître de ne souffler mot à quiconque de cette affaire et en avoir reçu le serment solennel, on lui versa sa récompense, et il s’éloigna,

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