Qui étaient nos ancêtres ?
moins polie, creusée d’une rigole pour en faciliter l’évacuation.
Si vous avez la dalle, voyez donc le maître queux, qui tire son nom du bas latin coquere (cuire), qui sera peut-être un vrai cordon-bleu, ainsi nommé depuis que l’on avait nommé repas de cordons bleus ceux qui réunissaient, au XVIII e siècle, une assemblée de gourmets, tous chevaliers du Saint-Esprit, dont la décoration était une croix d’or à huit pointes suspendue à un large cordon bleu.
Nos ancêtres consommant fort peu de viande et moins encore de viande de bœuf, il fallait peu de chose pour produire sur eux un effet bœuf. Cette expression est en fait due aux Saint-Cyriens qui, les premiers, auraient utilisé le terme de bœuf dans le sens d’énorme, sans doute en référence au bœuf gras, autrefois spécialement engraissé par les compagnons bouchers pour être promené, tout paré et enrubanné, comme la vedette du défilé du Carnaval, dont le nom signifiait quant à lui avale carne, autrement dit « avale-chair ».
Après avoir en effet « avalé chair », on entrait dans le temps de Carême, que l’on pouvait comparer aux si nombreux temps de vache maigre, où nos ancêtres ne mangeaient pas davantage de viande, si ce n’était de la vache enragée, bien avant que l’on ne parle de « vaches folles ».
Si la viande était rare, on en servait pourtant aux soldats, notamment des morceaux de « semelle » si peu tendre qu’en argot militaire on avait nommée bidoche, pour la comparer à de la viande de « bidet », autrement dit d’âne. On la leur servait accompagnée des fameux fayots, nom dérivé de celui du « flageolet », appellation donnée à l’origine, et pour l’analogie que chacun devine, en référence au flageolet du musicien. Le haricot de mouton doit quant à lui son nom à l’ancien verbe harigoter, signifiant couper en morceau (on avait eu, sur cette même idée, le terme de haricotier, utilisé en Île-de-France au XIX e siècle, pour désigner un petit paysan ne cultivant justement que quelques morceaux de terre).
N’oublions pas que l’Église impose des jeûnes nombreux : le vendredi, en mémoire de la mort du Christ, auquel on avait autrefois ajouté le samedi, jour où il avait été placé dans son tombeau, et le mercredi, jour où Judas l’avait vendu. On doit leur ajouter les quarante longs jours du Carême, précédant la fête de Pâques, et les vingt-six jours de l’Avent, précédant Noël. Au total, cela donne largement plus de cent jours (près d’un sur trois !), au cours desquels personne n’oserait transgresser l’interdit de la viande et où l’on se contente d’œufs, de lait caillé ou de soupe (soupe où l’oignon remplace le lard) et de poisson lorsque l’on peut en avoir. Ni la justice de Dieu ni celle des hommes ne plaisantent sur ce point : en 1629, à Saint-Claude, Claude Guyon sera condamné à avoir la tête tranchée pour avoir mangé de la chair en Carême, et en 1675, le mayeur de la ville voisine de Dole condamnera un habitant de sa ville à être pendu et étranglé « pour avoir mangé une épaule de mouton fricassée » le samedi, fête de la Nativité Notre-Dame. Hôteliers, cabaretiers et bouchers sont étroitement contrôlés en période de jeûne. Le poisson se maintiendra longtemps, comme on sait, au menu du vendredi, au point notamment qu’à Tulle, au siècle dernier, le tambour de ville crie chaque jeudi soir par les rues, au son de son instrument, que « Mme Roux fait savoir à sa nombreuse clientèle qu’elle a reçu un lot de poisson FRAIS ».
Quels poissons mange-t-on ? Des carpes et des perches, péchés les jeudis soir dans les viviers et les étangs, surtout réservés aux tables des propriétaires et des bourgeois, mais aussi des poissons de rivière, comme brochets, barbeaux et truites, et surtout des anguilles, des écrevisses et des grenouilles, en quantité foisonnante et dont nos ancêtres raffolent. Anguilles, écrevisses et grenouilles, une trilogie qui régale les riches comme les pauvres, lesquels sont encore plus friands de morues, qu’ils achètent dans les foires, où on les vend séchées, sous le nom de « stoquefiches », avec divers autres poissons salés, tels les sorets (harengs saurs) qu’achètent par chars entiers les monastères et les abbayes.
Contraste de ces jours de jeûne, longs et tristes, avec les jours de ripaille et de débauche, Mardi gras et cette Saint-Dégobillard
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